La terre est ronde mais le monde est plat. Approche universaliste des Réactions Nucléaires à Basse Energie.

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Jean-Christophe Faudot / Fadot

La Terre est ronde mais le monde est plat.

Approche universaliste des réactions nucléaires à basse énergie

Jean-Christophe Fadot – Ph.D.

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Résumé

La recherche sur les réactions nucléaires à basse énergie – RNBE – s’inscrit depuis 1989 dans un contexte géopolitique marqué par la résurgence du nationalisme au détriment de l’universalisme et des intérêts de l’humanité, laquelle souffre d’une absence de représentation conceptuelle, stratégique et politique.

Cette situation impacte la recherche sur les RNBE, obère la communication des avancées scientifiques obtenues dans ce domaine, et limite les financements escomptables. Un modèle universaliste réaliste et ambitieux pourrait contribuer à changer la donne.

Cet article est issu d’une présentation au congrès 2022 de la Société Française de Science Nucléaire en Matière Condensée.

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Note préalable.

Le mot universalisme décrit ici l’ensemble des données relatives à un domaine, quel qu’il soit, à l’opposé d’un séparatisme focalisé sur les différences entre les composantes de tout objet social, physique, psychologique, industriel, etc.

Nous proposons d’utiliser ces deux concepts pour mieux comprendre les difficultés expérimentées par l’écosystème étudiant les RNBE depuis les annonces de Stanley Pons et Martin Fleischmann en 1989 et dégager des perspectives de sortie du « piège de réputation » où elle se situe depuis.

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Table des matières

I.      Introduction. La conversation entre l’un et le multiple. 3

1.     Le Modèle Standard est un modèle ouvert. 4

2.     Les RNBE ne sont pas incongrues. 6

3.     Le piège de la réputation est grand ouvert devant les RNBE. 7

4.     La propriété fantôme du modèle standard. 9

5.     Le modèle standard de Tycho Brahé. 9

6.     Universalisme et société. 10

7.     Les universalités sont la société humaine. 11

8.     Le financement d’un laboratoire dépend de son adéquation au consensus. 12

II.     Science et universalité. 13

1.     La science, modèle en difficulté. 13

2.     La montée des séparatismes – La terre est plate, voyons ! 13

3.     La météo plate. 14

4.     Les RNBE à Sigma 5 fois 10 puissance 3. 15

III.        RNBE et fondements technologiques de la société mondiale. 19

1.     Universalisme et transmutations biologiques. 19

2.     De quoi les mots « transmutation biologique » sont-ils synonymes ?. 19

3.     Le piège de réputation. 19

4.     Intrication alchimique. 20

5.     L’ésotérisme est un structuralisme. 21

6.     Alchimie physique. 22

7.     Cliquet technologique civilisationnel. 23

8.     Alchimie industrielle. 24

9.     Alchimie, intelligence artificielle et astrophysique. 25

IV.       RNBE et universalisme : pour une approche globale. 27

1.     Le blé pousse, donc la terre est plate. 27

2.     Les RNBE dépendent de l’universalisme. 28

3.     Notre responsabilité individuelle est engagée devant la société humaine. 29

4.     Repeindre la porte du laboratoire RNBE. 29

5.     L’universalisme social est en difficulté. 30

6.     Universalisme politique et recherches sur les RBNE. 31

7.     Le destin des RNBE et celui d’une humanité unie sont-ils liés ?. 32

8.     RNBE et universalité humaine. 33

9.     Les financements RNBE : passer de 100 millions à 100 milliards d’Euros. 34

10.    Eléments pour une recherche mondiale autour des RNBE. 35

V.     Conclusion. Les RNBE vont-elles sauver le monde ?. 37

I.              Introduction. La conversation entre l’un et le multiple.

Au sens large comme d’un point de vue pratique, universalisme et séparatisme sont complémentaires et donc nécessaires, mais, comme souvent en ce qui concerne les activités humaines, nous entretenons entre elles une conversation complexe et parfois ambigüe, célébrant ici l’universalisme de telle doctrine pour mieux asseoir notre droit de l’imposer face à toute autre, ou célébrant là tel particularisme au nom de l’universalité de la différence !

On retrouve cette conversation et cette même difficulté en physique, science chargée de décrire et comprendre l’universalisme des lois régissant matière et énergie ainsi que le « séparatisme », autrement dit le détail, des innombrables microphénomènes, processus, objets et dynamiques du monde réel.

Dans cette conversation commencée dans l’Antiquité, un consensus a été établi depuis les années cinquante du siècle dernier autour d’un modèle standard, que nous appellerons ici MS, devenu dans la pratique la norme de référence autour de laquelle toute approche est jaugée. Une proposition, théorie, observation, expérimentation, etc. est compatible avec le MS ? Elle peut être considérée. Elle ne l’est pas ? Elle n’existe pas, en tout cas pas sur la planète de la physique standard, celle où l’on peut étudier, obtenir des crédits, faire carrière et converser dans des couloirs universitaires ou sur des réseaux sociaux scientifiques, sans risquer le port d’un chapeau désagréable, celui d’astrologue.

Les réactions nucléaires à basse énergies ayant la réputation, relativement justifiées, d’être agaçantes vis-à-vis de MS, les études relatives aux RNBE se situent depuis 1990 pour l’essentiel dans un territoire discrédité, peu confortable quoique largement injustifié pour l’essentiel comme nous allons le voir. Cette situation limite drastiquement la publication d’études concernant ces phénomènes dans des revues à comité de lecture, et, lorsqu’elles arrivent à être publiées, assez souvent en occultant ce dont elles parlent vraiment – des RNBE – leur audience en est amoindrie d’autant. Les réactions dont elles parlent sont réputées être impossibles et donc n’existent pas.

 La communauté scientifique et technologique travaillant sur ce domaine a beau présenter toutes sortes d’arguments, théories, résultats d’expériences, voire désormais programmes de recherches ou appels à projets nationaux ou internationaux, le décalage entre réputation et réalité reste significatif.

Pour autant, d’un point de vue pratique, sociétal, de quoi parlent les RNBE ? De la perspective d’une production d’énergie à des couts économiques, environnementaux et sociaux particulièrement attractifs, posant la thématique centrale des RNBE au cœur des enjeux sociétaux contemporains. Autant approfondir alors un peu les raisons d’un dédain, potentiellement très coûteux, et tout autant regrettable.

Car de quelle norme parlons-nous lorsque nous parlons du modèle standard ? En est-elle une d’ailleurs ? En réalité, contrairement à ce que son nom suggère, le modèle standard est la juxtaposition de plusieurs approches, plus ou moins compatibles, dont l’électrodynamique quantique, QED, la chromodynamique quantique, QCD, et les relativités restreinte et générale d’Albert Einstein. Qui plus est, cet assemblage de ronds et de carrés non seulement comporte, mais s’appuie sur de nombreuses zones d’incertitudes, assez gigantesques en réalité, par exemple sur l’existence de dizaines de « paramètres libres » et de « constantes fondamentales » qui sont pleinement inexpliquées.

La physique du modèle standard est essentiellement la juxtaposition d’innombrables expériences confirmant tel ou tel point de son propos, associé à un corps théorique solide quoique mouvant, et surtout largement tautologique. L’aura remarquable du MS tient en grande partie à la conviction que ce modèle n’a jamais été mis en défaut, ce qui est essentiellement inexact. Quelle est l’origine de la masse de l’électron ? Poser cette question simple, qui n’a pas de réponse connue à ce jour, c’est mettre en défaut MS, ce qui n’enlève pourtant rien à sa grandeur. MS est grand, industriellement pratique, mais pas si grand que ça, et d’autres développements industriels sont théoriquement possible si nous le faisons grandir un peu.

Donc cette réputation d’invincibilité de MS, un peu hâtive mais ancrée dans la conscience collective, semble interdire le postulat de la fusion froide apparaissant au grand jour en mars 1989. Ce jeudi-là, vingt-troisième du mois, deux scientifiques réputés indiquaient à la communauté scientifique ce qui semble une révolution : des fusions de noyaux nucléaires interviendraient à basse énergie, sans émission de rayonnement dangereux, et avec un gain énergétique net. [1]

L’annonce est rapidement battue en brèche, et avant la fin de l’année 1989, la plupart, mais pas tous, des programmes de recherche lancés dans le monde sont stoppés au regard de l’impossibilité théorique du processus annoncé d’une part, et de l’absence de reproductibilité satisfaisante des expériences présentées. En résumé, et malgré la persistance et l’évidence de nombreux résultats positifs, théoriquement impossibles au regard du MS, notamment quant à l’impossibilité de franchir à faible énergie une « barrière de Coulomb » portée par des matériaux aux nombres atomiques élevés, pourquoi s’intéresser à des RNBE, contredisant la théorie et très peu documentés ?

Pourtant, près de 35 ans plus tard, si elles semblent contredire la théorie, encore qu’une théorie scientifique doit pouvoir se soumettre à la réfutation Popperienne, l’existence de ces réactions improbables est confortée par les faits. De nombreuses expériences – des milliers – ont depuis 1989 indiqué la réalité de ce gain et de ces fusions.[2]

Mais à peu d’effet : la communauté scientifique considère dans sa grande majorité que les observations de Pons et Fleischmann, et toutes celles qui ont été réalisées dans les mois, années et décennies suivantes, ne peuvent être ou n’avoir été qu’erreurs de mesure, d’interprétation ou de mise en place des expérimentations.[3]

La raison ? C’est simple, le modèle standard interdit la possibilité d’une fusion nucléaire à basse énergie, et les tentatives de réplication d’observations positives se sont le plus souvent avérées négatives. Tel est en tout cas le consensus,[4] un consensus pourtant doublement infondé.

1.             Le Modèle Standard est un modèle ouvert.

Cet article reviendra sur la confusion opérée entre évènements inattendus au regard du MS et la faible réplicabilité initiale des expériences concernées dans le domaine des RNBE. Car si une réplicabilité quasi-parfaite est essentielle au modèle industriel, elle ne l’est nullement dans l’observation de manifestations indiquant une propriété inattendue de la nature.

Toutefois, intéressons-nous dans l’immédiat à l’universalité supposée du MS en tant que modèle explicatif du réel dans ses aspects premiers. Car est-ce le cas ?

En fait, tout physicien sait clairement que les équations du MS sont loin d’être complètes, encore moins universelles, et parfois même simplement éclairantes sur nombre de sujets. Le MS ne sait à ce jour tout à fait expliquer ce dont un proton, un électron ou un neutron sont constitués[5] ; n’explique, au mieux, que 4 % du couple énergie-matière présent dans l’univers ; ne sait non plus comprendre la gravitation à l’échelle humaine ou nano ; hésite à savoir si les concepts même de particule ou de force élémentaire sont pertinents ; ne peut définir champs électrique ou magnétique autrement qu’en les décrivant littérairement ou en mesurant leurs effets ; utilise, sans les expliquer, une vingtaine de constantes fondamentales et plus encore de paramètres dits libres pour créer son assise ; nécessite dans de nombreux territoires l’emploi d’un effet tunnel polymorphe pour tenter, mais sans succès, d’expliquer la réalité observée.

Quant à dire que le MS explique 4 % du couple énergie matière, c’est encore beaucoup dire.  La masse des quarks composant les protons et neutrons représente 1 % de celle du noyau, les 99 % restant étant attribuables à l’énergie des gluons, dotés d’un spin et d’une masse hypothétique, sur la nature desquels abondent conjectures et hypothèses, et aucune certitude. Ajoutons à cela que protons et neutrons se diffractent tout autant que des électrons, autrement dit qu’ils sont aussi, tout quarks, saveurs et gluons confondus, des ondes.[6] Mais des ondes de quoi ? Des ondes de probabilités ? Peut-être, et peut-être pas du tout. Près de deux siècles après la conceptualisation des champs électriques et magnétiques par Michaël Faraday, plus d’un siècle après Louis de Broglie, la question demeure et le débat perdure.

Sur un autre plan, parmi les nombreuses propriétés de l’univers décrites comme devant être admises comme telles, résumées dans ces « variables libres » du modèle standard, se trouve C, vitesse de la lumière dans le vide. Sa vélocité est mesurée, peut-être depuis plus longtemps qu’on ne pense[7], de manière très précise aux environs de 300 mégamètres par seconde, mais quelle en est l’origine ? Pourquoi pas 330 ou 270 mégamètres/seconde par exemple disons ? En fait, personne n’en sait rien. Cette vitesse correspond certes au produit de la permittivité électrique et de la perméabilité magnétique dans le vide, mais ces valeurs étant déterminées par C, cette description est essentiellement une fonction tautologique, qui n’explique pas non plus d’ailleurs pourquoi le vide a des propriétés équivalentes à celle d’un matériau.

Sur un autre point tout aussi élémentaire, pourquoi protons, neutrons, ou électrons diffractés se recomposent-ils en particules une fois l’obstacle contourné ? Cette recohérence sur laquelle le monde physique repose n’est comprise autrement que par son constat. Le fait que particule et fonction d’onde soient indissociables quoique de natures antagonistes, comme la relation entre champs électrique et magnétique, sont admis comme étant des données de départ sur lesquelles il n’y a au surplus, est-il professé, guère lieu de s’interroger.

Car dans l’interprétation, dite de Copenhague, qui reste dominante, de la physique quantique, il n’y a pas de causalité au réel, les lois d’organisation de l’univers sont d’ordre probabiliste. Pourquoi ? Eh bien, en somme, parce que ! La physique quantique est contrintuitive, et il faut s’en accommoder. En somme, pour résumer, voire paraphraser, Richard Feynman : « C’est comme ça ! ».  « This is the way we do physics » avait-il dit à Mendel Sachs, jeune professeur de physique de l’Université de Michigan[8]. Certes, mais c’est aussi « renoncer à penser », concluait Louis de Broglie.

Du fait de cette confusion entre validités topologiques, locales, fonctionnelles du MS et universalité causale, auquel le MS renonce en réalité d’emblée, seuls quelques pionniers ou chercheurs indépendants travaillent sur le sujet des réactions nucléaires à basse énergie à travers le monde. Or, penser ces réactions, c’est en somme d’abord poser la question suivante : le modèle standard interdit-il vraiment cette hypothèse ? Mais comment pourrait-il l’interdire quand il ne peut définir matière ou énergie sombres, renonce à dire si le neutrino a une masse ou pas[9], ou ne décrit que sommairement et avec beaucoup d’interrogations les quarks et gluons des protons formant la résistance coulombienne qui semble, théoriquement en tout cas, interdire les RNBE ?

Comme le rappelle Edmund Storms dans les premières pages de son ouvrage de référence sur les RNBE de 2007[10], la théorie devrait suivre les observations, et non les interdire. Si les observations contredisent la théorie, c’est que celle-ci doit évoluer.

2.             Les RNBE ne sont pas incongrues.

Le premier niveau de la difficulté de l’écosystème RNBE est donc lié à l’incongruité supposée de l’hypothèse RNBE face à l’universalité des lois physiques connues de la chromodynamique quantique ou de la relativité restreinte. Mais en réalité, les résultats, même aléatoires, des expériences de RNBE n’ont rien d’incongrues au regard du MS. La plupart des critiques des RNBE s’appuient sur l’efficacité expérimentale du MS, théorisant par exemple le comportement des matériaux semi-conducteurs, et donc de fabriquer ceux-ci, pour écarter sans plus de tracas toute proposition située en dehors du domaine couvert par ces lois ou ce modèle.

Or ce syllogisme est inexact et infécond. Car le MS explique-t-il l’effet tunnel par exemple, sans lequel il ne serait pas de transistor et donc pas d’industrie microélectronique ? Faiblement. Que la propriété « effet tunnel » – qui transforme un matériau censé interdire le passage d’électrons indépendants en un semi-conducteur de courant électrique – soit décrite et cartographiée dans un langage mathématique synthétique et robuste, c’est certain ; que cette propriété soit comprise l’est beaucoup moins, et il s’agit à minima d’un large sujet de conversation.

Cette situation a d’importantes implications dans la vie réelle de l’écosystème RNBE, et cause de grandes difficultés au développement de la recherche et de la communication dans ce domaine. Du fait de cette confusion entre description robuste de l’effet tunnel et compréhension causale quasi-inexistante de cette propriété de la nature, par exemple, une discussion entre un candidat doctorant proposant un sujet de thèse sur les RNBE et un directeur de laboratoire, ou, encore plus, toute idée de financement public d’un programme de recherche ou d’un colloque sur ce thème, étaient jusqu’à il y a très peu de temps au mieux compliquées et généralement inexistantes, à quelques heureuses et récentes exceptions près. En somme, pourquoi lancer une conversation ou un projet de R&D sur la thématique de la fusion à faible énergie d’atomes ou d’isotopes d’hydrogène puisqu’un tel phénomène est réputé être incompatible avec le modèle standard ? Autrement dit, pourquoi chercher quelque chose d’impossible ?

Or soutenir qu’un effet tunnel diminuant ou contournant la répulsion coulombienne à basse énergie ne saurait être imaginé oublie, par exemple, que ce même effet est indispensable à la fusion par confinement magnétique. Sans cette propriété, ce type de fusion ne pourrait intervenir qu’à la température de plusieurs milliards de degrés Celsius, une température qui n’a plus été atteinte depuis quelques temps, en fait depuis le Big Bang. Via l’effet tunnel, la température requise est beaucoup plus froide, de l’ordre de 200 millions de degrés. Ça reste évidemment chaud, mais c’est une température que les réacteurs de type Tokamac parviennent, avec grande industrie, à créer.

L’effet tunnel est donc très pratique et indéniable en tant que principe ou vecteur physique, mais alors pourquoi admettre cette propriété ici et la refuser là ? Qu’on ne puisse encore la créer à volonté dans les RNBE, est une chose ; qu’on lui interdise d’exister en en refusant de l’imaginer en est une tout autre, et notamment lorsque des milliers d’expériences, de mesures, et d’observations en ont fait état. Une large partie de la recherche sur les réactions nucléaires à basse énergie en matière condensée suppose en somme l’existence d’un effet tunnel diminuant la résistance coulombienne via un confinement cristallo-métallique. Est-ce si audacieux à concevoir ? Et en quoi ce confinement-là serait-il plus impensable qu’un autre effet tunnel, celui à l’origine des particules alpha – autrement dit de quasi-noyaux d’hélium – autres vecteurs de transmutation ?

Parce que celui-ci est aisément reproduit, et celui-là n’aurait pas même été constaté, vu l’absence de rayonnements annexes ou de production de neutrons, d’hélium, de tritium, comme le prévoit la théorie ? Pourtant de tels rayonnements ont bien été constatés, à de multiples reprises, y compris dans des expériences reproductibles relativement simples à mettre en place.[11]  Ces rayonnements sont certes moins abondants qu’avec la fusion magnétique ou inertielle, sans parler des réactions de fission, c’est même une grande partie de l’intérêt de la fusion froide, mais elles ont été répertoriées depuis des décennies maintenant.[12]

3.             Le piège de la réputation est grand ouvert devant les RNBE.

C’est qu’en réalité, la difficulté première avec la fusion froide n’est pas matérielle, factuelle, scientifique ni même technologique. Elle est d’abord d’ordre psychologique, et sur deux niveaux. D’abord, à l’évidence, contrairement à ce que dit l’adage, on ne croit pas ce que l’on voit. On croit ce que l’on comprend, ce qui est tout à fait différent, en sorte que ce que l’on ne comprend pas, on ne saurait l’admettre, quand bien même on en fait ou ferait l’observation directe, ou que des scientifiques réputés, tels que Julian Schwinger[13], s’en feraient l’écho.

Ensuite, la conversation sur les RNBE est desservie par ce que l’épistémologue britannique Huw Price appelle le piège de réputation,[14] ce trou noir de la carrière qu’il convient pour des raisons matérielles, financières, économiques, sociales même, assez évidentes de soigneusement éviter, et sur lequel nous reviendrons plus loin dans cet article.

De ce fait, dans la pratique, dans le domaine des RNBE, il ne s’agit pas de constater ou pas des réactions différant de résultats attendus par le Modèle Standard, il s’agit, en caricaturant à peine, d’éviter toute recherche devant ses pairs de constatation d’un phénomène de cet ordre, comme toute manifestation publique d’intérêt pour ce domaine, dangereux pour la carrière ou la réputation professionnelle.

Les conclusions d’innombrables expériences dans ce domaine sur les 30 dernières années, souvent dans le cadre de programmes du plus haut niveau scientifique et technologique, accompagnées de publications dans les meilleures revues scientifiques à comité de lecture[15], sont, pour survivre professionnellement, à ignorer, quand bien même ces publications contourneraient tout emploi des termes de fusion froide ou de leurs substituts « réaction nucléaire à basse énergie ».

Est-ce pourtant de la science, en tout cas de la recherche scientifique, que d’ignorer des observations ? Il est assez aisé de répondre à cette question lorsqu’on n’y est pas confronté, mais dans la vie réelle, parler de fusion froide ou de tout ce qui peut y ressembler, c’est dans d’innombrables environnements coller sur sa tête un bonnet d’astrologue et risquer une ostracisation quasi-définitive de la cité scientifique commune.

Dans ces conditions, quels que soient faits, résultats et publications, tout travail sur les RNBE est généralement impensable et donc impensé. Le chercheur, soit-il habilité à diriger des recherches du plus haut niveau, directeur de laboratoire, muni de diplômes, d’expérience, de publications renommées, de prix Nobel même, comme pour Julius Schwinger, aura beau produire tout document, preuve, résultat, établis selon les procédures les plus rigoureuses, parfois au terme de processus doublés, triplés, décuplés, répétés pendant plusieurs années en parallèle dans des laboratoires universitaires indépendants, financés par des industriels et des organismes publics de premier niveau, ses publications peinent – beaucoup – à être publiées, et sont encore moins lues.[16] [17]

Produire de la chaleur par transmutation d’éléments à basse altitude thermique n’est pas possible, parce que, et donc. Parce qu’incompatible avec ce que nous savons de la chromodynamique quantique. Parce que par définition, les réactions nucléaires à basse énergie en matière condensée ou liquide ne peuvent être que des artefacts, des erreurs statistiques ou de mesures calorimétriques. Parce que, en somme, c’est ce que tout le monde sait. Et donc tout le monde se tait, ou presque !

Presque, car de nombreux scientifiques savent et démontrent que des réactions nucléaires interviennent à basse énergie en matière condensée, dans des plasmas, dans des liquides et même en milieu biologique, voire en milieu naturel et géologique et présentent ces manifestations dans des publications scientifiques.

4.             La propriété fantôme du modèle standard.

Revenons quelques instants sur le modèle standard, ou plus précisément sur ce qu’on lui fait dire.

L’universalité supposée du MS est en réalité topologique, circonscrite à des périmètres précis. D’ailleurs, bien des éléments tenus il y a quelques années encore pour essentiels et maitrisés dans le MS débouchent aujourd’hui sur des océans d’imprécisions ou d’inconnues.[18] Dans les recherches actuelles, la distinction entre particules et énergies devient extrêmement ténue.

Au point que du « Grid » comme le nomme Frank Wilzeck, de ce « Réseau », de ce « vide quantique », autrement dit de cet éther énergétique tenu pour certain jusqu’à l’Albert Einstein de 1905, jusqu’à ce que lui-même reconsidère la possibilité de son existence à partir des années 1930, surgissent des particules bien réelles, des quarks par exemple, par association de paires de particules et antiparticules virtuelles, ou similairement en somme, des particules réputées être, elles, sans masse, telles que les photons.

Or, si l’on aborde un nouveau champ de compréhension de la matière et de l’énergie, avec le Grid de Frank Wilzeck,[19] ou ce concept de polarisation du vide quantique, comment et pourquoi interdire les réactions nucléaires à basse énergie ? Il devrait être perçu comme audacieux, et même inexact, d’affirmer que les RNBE sont impossibles au motif que le modèle standard est universaliste. Car le modèle standard est avant tout, voire essentiellement, une vaste interrogation sur les constantes et les paramètres sur lesquels il repose comme sur le contenu de ce vide quantique sur lequel il débouche et aborde.

Le MS n’est pas universaliste, c’est même sa force en réalité, car c’est une autre manière de dire qu’il fait partie de la science, mais la persistance de cette propriété fantôme dans l’imaginaire collectif, fruit de notre besoin d’universalités évidemment légitime, puisqu’elles sont le fondement de la société humaine, indique que l’universalisme en physique est un point essentiel de l’équation que la communauté RNBE doit résoudre.

5.             Le modèle standard de Tycho Brahé.

Le modèle standard a permis d’immenses avancées technologiques et synthétise de grandes avancées théoriques. Son bénéfice social est évidemment gigantesque, mais écarter d’une phrase l’hypothèse RNBE au motif que le MS l’interdirait, est inexact, abusif et surprenant. Le MS est loin d’interdire de constater des dégagements excédentaires de chaleur, des émissions de neutrons, ou des transmutations, nucléaires, telles qu’avec la production de tritium à partir de deuterium dans des réactions à basse énergie. Le MS ne les prévoit pas, certes, mais il ne les interdit pas. Comment le pourrait-il d’ailleurs ? Il sortirait de la science.

Mathématiquement, il serait assez aisé de cartographier avec des familles supplémentaires de vecteurs d’onde les hypothèses pouvant sous-tendre les observations réalisées, et celles-ci sont nombreuses. Que ces évènements soient encore relativement aléatoires est un problème industriel et technologique, et ne devrait pas être un problème scientifique. La théorie devrait s’adapter à la mesure d’évènements physiques, et non pas interdire, encore moins nier une manifestation qu’elle ne comprend pas encore, pas plus qu’elle ne comprend les paramètres premiers d’objets aussi élémentaires qu’électrons, protons, neutrons ou photons.

L’astronomie de Tycho Brahé était très efficace, elle aussi, et eut plus d’un siècle encore le dessus sur celle de Copernic. Disposant de plusieurs siècles d’avance en termes d’affinements arithmétiques, elle était plus efficace sur les premières décennies que celle de Copernic qui débutait son propos. Mais aussi efficace était-elle, elle était perfectible. Elle était même fondamentalement inexacte et ne survit aujourd’hui que dans des musées, où il est possible qu’à deux cents ans d’ici, le MS d’aujourd’hui la rejoigne, avec tous les honneurs qui lui sont évidemment dus.

Le MS est une description pratique, car souple, ouverte et collaborative, de nombreuses propriétés topologiques du réel, mais pose encore d’innombrables questions non résolues sur les propriétés qui l’ordonnent. La fluidité de son langage mathématique éblouissant permet de créer à besoin des propriétés dites ontologiques, causales, des vecteurs d’état, d’utiliser à loisir nombres complexes et objets pour proposer hypothèses et descriptions, au profit d’avancées interprétatives incrémentales. Mais il s’agit d’une langue, et confondre celle-ci avec ce dont elle parle est d’une grande confusion. Le modèle standard formalise ce que nous connaissons du réel, en plein et en creux, mais ne décrit en aucune manière les fondements de ce qui est observé. Les fondements, nous n’en savons en réalité rien.

Le MS est une cartographie magnifique et efficace, mais c’est aussi une barrière poreuse. La traverser s’appelle la science, autrement dit, c’est un devoir social. En réalité, la recherche sur les RNBE est l’idée même de la science ; l’interdire, l’oublier ou la nier est une régression scientifique. Certes, la communauté RNBE semble contredire certains fondements de ce qu’elle appelle la « science mainstream », la science standard, mais cette contradiction est celle d’un doute salvateur et génétique, au sens de formateur, de nécessaire, d’indispensable même. Elle est une recherche, une conversation entre observation et hypothèses, elle n’est pas un tremblement de terre remettant en cause l’assise de la physique.

Son doute est en réalité l’assise profonde de la science, celle que l’épistémologue Karl Popper avait circonscrite dans son principe de réfutabilité des hypothèses scientifiques. On peut certainement augmenter le critère Poppérien de définition de la science – on devrait même, car il est clairement incomplet, ne définissant pas l’essence de la science – Frank Wilzek propose à ce sujet le concept de « truthification », que l’on peut traduire par « véracisation », mais celui-là définit en tout cas l’une des modalités essentielles en somme du progrès scientifique. La réfutabilité de tout propos scientifique, s’appelât-il modèle standard, est un socle incontournable. Adressons-le donc.

Toute science est un équilibre délicat entre protection du savoir acquis, tel qu’établi dans des normes et modèles de raisonnement, et la transgression de ceux-ci dans de nouvelles avancées. Cette polarisation entre conservatisme et innovation est essentielle et de son maintien dépend l’avancement de la science. Figer toute possibilité de transgression de la norme, c’est refuser le progrès. Oublier tout repère acquis, c’est entrer dans le néant de l’inutilité. La recherche sur les RNBE est un vecteur de cette polarisation féconde.

6.             Universalisme et société.

Le modèle standard est donc manifestement imparfait, mais d’où lui vient alors cette réputation d’universalité à laquelle il ne prétend pas ? En creux, l’une des raisons est probablement attribuable à l’hyperspécialisation de la science. Même en physique, très peu de personnes maîtrisent ce dont il est question globalement, tout simplement parce qu’une telle maîtrise est aujourd’hui impossible, et la plupart des scientifiques s’en tiennent donc à l’opinion scientifique générale. Se tenir à jour de l’actualité des hypothèses théoriques et des expérimentations sur la nature du proton par exemple est probablement une tâche au-delà de la portée de la quasi-totalité des physiciens, même spécialisés en physique des particules. La science aujourd’hui est synonyme de spécialisation.

Mais au-delà de cette première difficulté liée à l’hyperfocalisation, il est imaginable qu’un aspect plus fondamental soit à l’œuvre. En fait, nous supposons probablement au modèle standard un statut d’universalité parce nous avons besoin qu’un tel système existe, au moins pour un moment donné. Son existence est vitale pour l’humanité, quel que soit son contenu. L’humanité recherche en permanence des modèles explicatifs universels parce qu’en tant qu’ensemble social vivant, elle-même est faite de tentatives d’explications et de modèles universels, ou « relativement universels », transcendant le particularisme, le séparatisme naturel de chacun de ses composants, nous, les humains et tout l’environnement, des cailloux sur le chemin au cosmos.

La société humaine se définit, se pense, se voit et s’organise en fonction de vecteurs moraux, scientifiques, sociétaux qu’elle établit comme universels, tout en les faisant évoluer au cours du temps, de manière plus ou moins heurtée ou harmonieuse. Par exemples, les « droits de l’homme » du 18ème siècle Européen ont tendance à s’élargir actuellement vers les droits du vivant, un concept lui-même élargi à la dimension de réalités non-biologiques, telle qu’une rivière ou qu’une montagne. Ca n’enlève rien aux droits de l’Homme, mais ça élargit la conversation.[20] Le Modèle Standard est un universel ; son statut est temporaire, ce qui est normal ; penser qu’il est éternel est une erreur évidemment grave.

7.             Les universalités sont la société humaine.

Approfondissons un instant ce point, car nous verrons qu’il beaucoup plus qu’une improbable disgression et concerne le cœur de la problématique des études sur les RNBE. De fait, l’universalisme est un concept sous-jacent essentiel de la vie courante. L’électricité dans nos maisons, ateliers ou bureaux, le fait qu’écoles, universités, cinémas, médiathèques, routes et aéroports existent, le présupposé qu’en général la paix est préférable à la guerre – reposent sur des référentiels de valeurs, de savoirs et d’objectifs communs à la quasi-totalité des êtres humains.

Ces univers partagés, autrement dit la validation de ce que nous acceptons toutes et tous comme allant de soi, s’appelle la société. Ce que nous n’acceptons plus collectivement sort du champ social commun, et si cette sortie prend 10, 20 ou 50 ans, elle n’a pour autant jamais été prise en défaut dans l’histoire humaine. Et l’inverse est vrai : ce que la société admet d’abord informellement devient tôt ou tard la loi morale ou juridique de la société et s’insère dans ses normes de fonctionnement.

Or la science fait partie de ces référentiels essentiels qui fabriquent la société humaine. Nous faisons en général confiance à la science, et ne cherchons pas, en général aussi, à vérifier si oui ou non la charge électrique de l’électron est plus ou moins élevée que ce que les livres d’école en disent. Nous savons qu’un chargeur de téléphone branché sur une prise de courant standard chargera notre téléphone et ce savoir confiant, partagé à l’échelle de la planète, nous suffit la plupart du temps.

C’est ce partage qui donne sa puissance sociale à la science. Et permet le financement de la recherche scientifique, tous domaines confondus, laquelle dépend en définitive de la relation du citoyen à cet universalisme qu’est la science. Cette relation est complexe, mouvante, et s’effectue dans un contexte où le citoyen est représenté par les décideurs publics et ses vecteurs, parmi lesquels on peut compter les académies et instituts scientifiques nationaux et internationaux. Au final, le nuage de cette relation se condense dans un certain nombre de normes, parmi lesquelles donc, en physique, le modèle standard.

8.             Le financement d’un laboratoire dépend de son adéquation au consensus.

Cette relation entre société et science concerne évidemment l’épopée difficile et contemporaine des RNBE. Le scientifique, tous domaines confondus, recherche des financements dont l’obtention dépend de l’adéquation de son projet au consensus général auquel le décideur politique va se référer. Si le consensus est que le MS interdit par principe les RNBE, tout financement des RNBE sera compliqué, marginal, exceptionnel, ou privé. Si, au contraire, le consensus est que les RNBE sont un processus peu compris, non maîtrisé, mais courant dans l’univers, jusque dans la géologie ou dans les processus biologiques, si ce consensus note que l’expérimentation en observe désormais de nombreux effets à température modérée, s’il devient admis qu’il est urgent d’intégrer les RNBE dans le champ des solutions énergétiques ou environnementales à explorer, ce domaine sera fortement financé ou encouragé au regard de son potentiel pour la société. Voilà ce qui est en jeu.

II.            Science et universalité.

Aussi faut-il s’intéresser un peu plus encore à l’universalisme en tant qu’objet social, et l’envisager en plan large. Il faut même commencer par le commencement : dans quelle mesure la science fait-elle partie, ou pas, du référentiel universaliste du citoyen ?

Pourquoi se poser cette question, et tout particulièrement au sujet des RNBE ? En fait, c’est essentiel, car toute science est par définition une science … occulte, au sens de compliquée, complexe, hermétique, de non immédiatement accessible. L’expression « science occulte » a aujourd’hui un sens péjoratif, mais en réalité toute approche scientifique a pour objectif de dévoiler « l’occulte », le caché, autrement dit de révéler – derrière les apparences et les évidences – les fondements de la matière, de l’énergie, les modalités de fonctionnement du vivant, des phénomènes sociaux, culturels, artistiques même, et en général de définir les concepts permettant de comprendre le réel, en deçà de son apparence.

Dans le cas de la recherche des RNBE, les observations d’évènements dérogeant au modèle standard sont, ou étaient jusqu’à très récemment, épisodiques, essentiellement incomprises et relativement faibles. Pourquoi alors s’intéresser à ce sujet insaisissable ? Alors, peut-être parce que c’est aussi le cas, à des degrés divers, pour la quasi-totalité des réalités scientifiques ! Nul n’a jamais pu voir un électron de ses yeux, même via un écran, toucher la gravitation, ou prendre un objet mathématique dans ses mains. On peut manger 2 pommes et 3 poires, leur addition reste un concept hors champ du physique, qu’on ne peut croquer mais dans lequel nous devons avoir foi pour comprendre la réalité. Cette foi partagée, assise sur des raisonnements, des expérimentations et des modélisations, est à la base de la relation entre citoyen et science.

1.             La science, modèle en difficulté.

Par conséquent, si la science est reconnue comme un objet valide par la communauté citoyenne, on peut avancer sur l’hypothèse des RNBE, comme évidemment sur tout autre domaine de recherche scientifique. Mais si ce n’est pas le cas, le chemin va être beaucoup plus ardu pour tout le monde, tous domaines, RNBE, sciences sociales, ou superfluidité critique, confondus. Or il s’avère que la réponse de la société à cette question sur la science n’est pas aussi nette aujourd’hui qu’elle pouvait l’être il y a quelques décennies encore. Pourquoi ?

Il y a certainement de nombreuses raisons, mais l’une d’entre elles paraît liée au fait que pour le citoyen, pour tous les êtres humains, l’universalisme au sens large est essentiellement étranger à l’actualité, individuelle ou collective, locale ou globale, tandis que le séparatisme est une valeur montante, si ce n’est une approche généralisée, quasi-synonyme de la vie courante, et ceci qui impacte le statut social de la science. Pour différentes raisons, la confiance dans les transmetteurs de foi et de connaissance scientifiques universelles a diminué, tandis que le séparatisme progresse en tant que repère social.

2.             La montée des séparatismes – La terre est plate, voyons !

Y-a-t-il quand même des référentiels universels dans la société humaine ? Il y en a, certes : élever ses enfants, rire, chanter, manger, s’entraider, la liste est heureusement longue, sont des valeurs planétaires, partagées dans l’ensemble par la nation humaine. Mais on y trouve aussi beaucoup de ce qui pourrait être appelé des séparatiels, des référentiels non-dits, admis comme allant de soi, validant l’idée d’une séparativité, d’un particularisme générique des conditions de vie humaine, d’existence, de pensée, de valeur, des conditions de consommation économique, de soin, d’études, d’accès à la culture, etc., au premier rang desquels se trouvent probablement l’idée et la réalité de nation. Le concept de nation est un référentiel très partagé validant l’idée de séparation génétique entre les êtres humains, une séparation pas totale bien sûr, mais au nom de laquelle on envoie régulièrement des cohortes humaines mourir et tuer. Il ne parait pas exactement certain qu’on ait bien perçu le ratio coût-bénéfice de ce « séparatiel » qu’est la nation. Aussi incontournable soit-elle évidemment, c’est la portée de son champ qui pourrait, devrait poser un peu plus question nous parait-il.

Globalement, culture et science sont concernés par ces séparatiels. Par exemple, nous pensons souvent en Europe que les droits de l’Homme sont universels, ou que chacun sait bien que la terre est sphérique. Mais la réalité est tout autre, et sur le dernier point, en France par exemple, une étude de l’IFOP indiquait qu’en 201,7 9 % des Français sont convaincus de la platitude du globe terrestre. Comment est-ce possible ? La réponse est simple, quoique déroutante : il est aisé de montrer que la terre est plate, compliqué de démontrer qu’elle ne l’est pas.

Et en effet, des milliards d’observations individuelles et le moindre coup d’œil autour de soi montrent, sont la preuve visuelle, indiquent qu’à l’évidence la terre est plate, en tout cas semble l’être. Un champ, une prairie, un lac, en somme l’expérience visuelle immédiate, indiquent que nous sommes entourés d’espaces référentiels plats. Donc la terre est plate, voyons ! Observons ici que le platisme n’est pas même un exemple de séparatisme, mais au contraire s’imagine une vocation d’universalisme. Pour le regard platiste, la terre n’est pas plate pour une personne, elle est plate pour tout le monde.

3.             La météo plate.

Est-ce un cas particulier ? En fait, pas vraiment ! L’approche universaliste est si absente de notre réalité quotidienne et des référentiels qui la structurent que notre compréhension individuelle est largement topologique, locale, circonstancielle, formatée par et essentiellement limitée à notre histoire, notre culture, notre géographie locales. En bref nous vivons, mais sans le savoir tout à fait, dans un monde séparatiste : le nôtre, à l’échelle individuelle et collective. En sorte qu’il y a bien des domaines où chacun, qui rit ici du platisme, le professe pourtant dans l’instant d’après sur des sujets tout à fait similaires, y compris en science, sans même s’en rendre compte. Pourquoi ? La raison est la même : globalement, les informations que nous obtenons du monde, même avec le bouleversement des ressources en ligne et des réseaux sociaux, restent localisées, partielles, topologiques, plates.

Prenons un micro-exemple : la météo. De fait, les bulletins météo que nous lisons, regardons ou écoutons, décrivent généralement les conditions des villes, régions ou pays dans lequel nous vivons, rarement du continent où nous nous situons, quasiment jamais du temps qu’il fait sur les océans, et encore moins du globe terrestre dans son entièreté, lequel est pourtant acteur et vecteur essentiel du temps qu’il fait ici ou là.

Nous vivons dans la pratique dans un monde quasi-plat : notre compréhension de la météo et du système qui l’explique sont circonscrits dans la perception d’un territoire à peu près plat – celui de notre continent, notre pays, notre région, notre ville – séparés de leur ensemble génétique, celui de notre planète, certes sphérique, mais que nous ne regardons ou considérons quasiment jamais comme telle. Dans notre lecture du réel, sur notre smartphone, tablette, journal ou écran, nuages, anticyclones, dépressions et températures s’évanouissent à nos frontières, provenant d’un no-man’s land nébuleux rapidement évacué de notre regard sur l’environnement immédiat, factuellement plat.

Et il en est ainsi sur quantité de domaines : nos études, formations, recherches, professions, loisirs même, ou raisonnements sont très généralement spécifiques, spécialisés voire hyperspécialisés, autrement dit hyper-localisés. Par exemple, dans le domaine économique, nous préférons généralement consommer ou utiliser des objets fabriqués dans notre pays. Sur le principe, cela semble aller de soi, notamment en temps de crise, par solidarité nationale, mais nous ignorons ce faisant que nos emplois dépendent en grande partie des échanges économiques internationaux. Plus nous achetons maison, moins la maison sera riche.

Ce qui va de soi, c’est que l’économie est plate ; ce qui est plus complexe à saisir, car occulte, caché à l’expérience immédiate, c’est qu’elle est planétaire, sphérique, intégrée. Si tout le monde veut consommer vraiment local, nous n’aurons pas même de pioche pour creuser le sol et y planter maïs, blé ou quoi que ce soit. La confection et la distribution d’une pioche sont le fruit d’un processus international extraordinairement complexe et il en est de même de pratiquement tout aujourd’hui dans les domaines de la santé, de la tranquillité, des loisirs, de la nature, de l’environnement, etc.

En somme, nous vivons parmi, célébrons ou détestons, combattons pour ou évitons une multitude d’arbres, de toutes sortes d’essences, sans saisir que nous vivons dans une même, unique et vaste forêt dont nous, humains, ne sommes au surplus qu’une petite composante, quantitativement. L’universalisme est un concept essentiellement étranger à nos préoccupations, un mot lointain, vaguement utopique, idéaliste même. Il ne serait que dans la science, pensons-nous quand même généralement, que ce concept s’exprimerait en toute légitimité. Mais comme nous venons de le voir, c’est désormais loin d’être certain, à de nombreux égards.

Entre aussi en jeu le fait que dans la pratique, l’universalisme est un mot assez étranger à la trousse à outils du scientifique, tout particulièrement des physiciens expérimentateurs. En général, les lois dites universelles n’intéressent ceux-ci que pour y déceler d’éventuels défauts, ces écarts insignifiants à partir desquels les prix Nobel fleurissent ! On le voit typiquement dans l’importance un peu disproportionnée du critère Poppérien de réfutabilité où la science se définit dans sa capacité à être réfutée. C’est un critère qui a sa valeur, sans doute, mais il semblerait au moins aussi efficace, et peut-être plus, de définir la science dans sa capacité à définir des modèles symétriques, c’est-à-dire reproductibles, applicables au plus grand nombre possible de référentiels, en physique, sciences naturelles, sociales, humaines, mathématique, en chimie, en art même, en économie, etc. C’est ce que propose par exemple F. Wilzek avec son critère de véracisation.[21]

Il reste que plus d’universalisme, en tant que regard, approche et méthode de travail, d’organisation ou de raisonnement social, culturel, scientifique, etc., pourrait, peut apporter beaucoup à la vie quotidienne, à l’organisation sociale, comme à l’effort du scientifique, et tout particulièrement autour du domaine des RBNE, où on a depuis longtemps dépassé l’étape de la seule hypothèse. Une hypothèse est en effet une supposition : or, supposons-nous qu’il existe une possibilité de production exothermique par RNBE hors prédiction du MS, ou cette production a-t-elle déjà été constatée, ne serait-ce qu’une fois, dans des conditions robustes d’observation et de mesure ?

4.             Les RNBE à Sigma 5 fois 10 puissance 3.

Une seule constatation de cet ordre, en tout cas une dizaine d’entre elles, devraient, auraient raisonnablement pu ou dû conduire la communauté scientifique et les décideurs publics à lancer de multiples recherches d’approfondissement de cette manifestation. En physique des particules, un signal d’intérêt est généralement activé en fonction du critère dit « Sigma 5 », c’est-à-dire à partir de l’occurrence de 5 cas positifs sur 1 million de cas négatifs. Dans le cas des RNBE, Sigma 5 représente donc un taux de mise en défaut de la théorie au regard des résultats thermiques attendus selon le MS, supérieur à 5 pour un million. Ce seuil a-t-il été atteint ?

Il est courant de lire ou d’entendre dans les analyses sur les RNBE qu’aucune expérimentation réussie n’a jamais eu lieu[22]. Mais la réalité est tout autre : il y a eu depuis 1989 des milliers d’expérimentations de « fusion froide », de transmutation d’éléments simples ou complexes, comportant des résultats dits « exothermiques », c’est-à-dire ayant produit plus d’énergie que le total de celles consommées, comme ayant produit des neutrons ou des rayonnements non prédits par le MS.[23] On peut noter que parmi les phénomènes enregistrés se situe l’accélération par un facteur significatif de la décomposition du Césium 137, ouvrant donc d’immenses perspectives pour la remédiation des déchets nucléaires ultimes, dont l’enfouissement pose évidemment d’insolubles problèmes éthiques et écologiques.[24]

Dès l’année 1989, malgré la controverse, des reproductions de l’effet Pons-Fleischmann ont été réalisées avec des résultats positifs et documentés.[25] En 2007, 18 ans après l’annonce de Stanley Pons et Martin Fleischmann, Edmund Storms répertorie sur plus d’une dizaine de pages[26] les centaines d’expérimentations ayant démontré l’apparition d’hélium, de neutrons, de radiations, de transmutations, de chaleur excédentaire, dans des expériences menées par des physiciens reconnus. Sur les 33 dernières années des centaines, voire milliers d’articles détaillant des réactions de cet ordre ont été publiés,[27] y compris dans des revues scientifiques de premier rang[28], à partir d’approches expérimentales ou théoriques, telles celles de Peter Hagelstein.[29]

Plus encore, les réactions thermiques dites « anormales » font aujourd’hui l’objet de centaines de brevets déposés par des consortiums industriels de taille significative. Des congrès internationaux sont organisés en Europe, en Italie, en Pologne, en France, aux USA, en Chine, en Russie, en Corée du Sud, en Inde. Des programmes publics-privés associant groupes industriels et laboratoires universitaires sont développés un peu partout dans le monde, notamment en Europe, au Japon, aux USA, certainement en Chine et en Russie. Un journal à comité de lecture, le Journal of Condensed Matter Nuclear Science, a été lancé et rassemble des milliers de pages dont la lecture fait apparaître en quelques minutes le décalage remarquable entre une perception générale tenant pour non-avenue cette branche de la physique et l’expertise remarquable des scientifiques, ingénieurs et entrepreneurs qui la font progresser autour d’expériences documentées, réplicables, répliquées et prometteuses.[30]

Au final, nous ne sommes pas à Sigma 5, mais à environ Sigma 5 x 104. Sur 100.000 expériences, l’ordre de grandeur des résultats exothermiques obtenus peut être estimé à 5.000. Cela indique certes 95.000 expérimentations décevantes, mais aussi 5.000 expérimentations qui ont été positives, intrigantes, fructueuses. 5.000, pas 0,5. Nous sommes certes encore dans le brouillard, mais celui-ci témoigne d’une humidité de bon aloi.

D’où provient alors ce décalage entre résultats positifs et absence de reconnaissance ?

Un mot résume, mais ne peut expliquer cette situation, et encore moins la justifier : l’absence de répétabilité suffisante des procédés, et en partie l’absence de modèle théorique convaincant. En partie seulement, car disposons-nous de modèle théorique convaincant expliquant le fondement des technologies utilisées à l’échelle industrielle dans la microélectronique par exemple ? L’effet tunnel, pour revenir à, en somme, cette manifestation de la fonction d’onde de la matière, reste essentiellement incompris quant à sa nature, mais cela n’impacte pas le financement de la recherche dans ce domaine ou la mise en place de lignes de production de microprocesseurs à 5, 3 ou 2 nanomètres dans des investissements situés entre 10 et 20 milliards de dollars par unité industrielle.

Pourquoi ?

Parce que, même incompris, l’effet tunnel est si bien répertorié dans son comportement dans les matériaux semiconducteurs utilisés pour des transistors ou pour la fabrication de mémoires magnétiques par exemple qu’on peut raisonnablement réaliser des investissements de cet ordre dans ces domaines : l’effet tunnel sera au rendez-vous dans le produit acheté en rayon ou en ligne. L’inconnue est commerciale, elle n’est pas d’ordre technologique.

De ce fait, la faible répétabilité des résultats RNBE positifs pouvait justifier la faiblesse des investissements industriels ou prototypaux dans ce domaine, mais nullement de considérer comme irrecevable la question posée par des centaines d’expériences documentées dérogeant aux attentes du modèle standard dans sa définition actuelle. Que les gains exothermiques dans les RNBE soient aujourd’hui encore aléatoires pour l’essentiel, du moins pour ce que l’on en sait, car dans le secret de l’alcôve industrielle toutes sortes de secrets peuvent être tenus, c’est une chose ; qu’ils aient eu lieu, même aléatoirement, en est une tout autre, d’une portée considérable.

Car, comme on l’a vu, ces résultats ont été constatés à de multiples occasions, bien au-delà de marges statistiques ou d’imprécision de mesure, dans d’innombrables laboratoires, entreprises, instituts, établis dans plusieurs dizaines de pays et sur plus de 3 décennies. Il est essentiel de les prendre en considération au regard des enjeux de civilisation adressés par des réunions telles que la COP 27. Par milliers, des expériences de laboratoire ont produit des dégagements de chaleur excédentaires, l’émission de neutrons, la transmutation d’éléments[31], dans des proportions ou conditions incompatibles avec le modèle standard actuel. Ces expérimentations et les publications qui les ont documentées sont donc une révolution, scientifique, technologique, de portée sociétale, mais une révolution tue et inconnue. Cette situation doit et peut changer.

III.          RNBE et fondements technologiques de la société mondiale.

1.             Universalisme et transmutations biologiques.

Un autre point de la relation entre universalisme et RNBE est constitué par le domaine des transmutations biologiques. Leur potentiel social, technologique et énergétique sur les plans environnemental, écologique, économique et industriel, découle du point précédent et dessine, s’il est possible, un potentiel plus vaste encore que celui des réactions nucléaires à basse énergie en matière condensée au regard des questions énergétiques.

Rappelons qu’en elle-même, la transmutation n’est pas une extravagance vaguement alchimique, mais un phénomène courant, étudié dans le domaine de la radioactivité dont elle est une des conséquences. Loin d’être réservée à l’industrie nucléaire ou médicale,[32] la radioactivité est un phénomène naturel répandu. Le corps humain par exemple produit 7 % de la radioactivité présente sur terre. Nous transformons, tous, du Potassium 40 en Calcium 40 et Argon 40, à hauteur de 8.000 transmutations d’atome par seconde en moyenne.

Que la transmutation nucléaire puisse concerner le domaine biologique ne devrait pas étonner. Du point de vue physique, tranche de pain, cheveux, gaufre de silicium, bactérie ou pavé en granit sont composés des mêmes protons, neutrons, électrons, particules, quarks, gluons et vecteurs d’interaction. S’il y a transmutation nucléaire dans le corps humain ou dans les matériaux solides, l’hypothèse d’interactions nucléaires à basse énergie en milieu biologique y est tout autant envisageable, et c’est précisément ce qu’étudie la branche peu connue, y compris parfois dans la communauté RNBE, de la transmutation biologique[33].

2.             De quoi les mots « transmutation biologique » sont-ils synonymes ?

En réalité, l’intérêt de l’hypothèse des transmutations biologiques est plus large encore, s’il est possible, que celui des RNBE en matériaux solides. Elle permet par exemple d’envisager la remédiation en milieu naturel de sols ou liquides saturés de métaux lourds ou radioactifs[34] dans une actualité où le transfert dans l’océan d’effluents contenant des radionucléides collectés lors de catastrophes impliquant des réacteurs nucléaires est programmé pour les semestres à venir. Par ailleurs, la relance de la filière de chaudières à fission nucléaire est effective dans plusieurs pays, dans un contexte où son support public et politique croît significativement. De ce fait, l’hypothèse documentée [35] de la transmutation biologique de déchets nucléaires est évidemment d’un intérêt considérable. Si l’on peut envisager la neutralisation des déchets ultimes de l’industrie nucléaire, son empreinte diminue considérablement, et son utilité sociale augmente en proportion.

3.             Le piège de réputation.

Pourtant, si l’hypothèse de la transmutation biologique est d’un intérêt considérable, elle reste peu prise en compte, c’est même un faible mot, à commencer au sein de la communauté RNBE, qui hésite souvent même à en parler. Pourquoi ce paradoxe ? La réponse est simple : la communauté des scientifiques, laboratoires, industriels et consortiums publics-privés actifs dans le domaine des RNBE se situe dans le périmètre de ce que l’épistémologue britannique Huw Price appelle le piège de réputation.[36]

Quel est ce piège ?

Un piège dangereux. Il est dans la pratique essentiel pour la carrière d’un scientifique, constate-t-il, de ne pas tomber dans le trou noir de réputation que représente la fusion froide. S’intéresser à, mentionner, etc., écrire sur ce sujet, expose à une ostracisation quasi-définitive. Dans l’Athènes antique, l’ostracisme permettait à l’Aéropage, c’est-à-dire aux décideurs, d’éloigner de la Cité des opposants politiques pendant 10 ans. Mais aujourd’hui, ce délai est beaucoup plus long pour les quelques personnalités dont le courage ou les conditions personnelles ont amené ou permis leur investissement dans le domaine des RNBE ! Communiquer, même en semi-privé, dans les couloirs d’une université, son intérêt pour ce domaine, c’est se condamner à rester à vie Maître de Conférence, quand bien même on serait directeur de laboratoire. Dans la vie réelle, la carrière de tout chercheur représente dans le meilleur des cas un équilibre délicat, qu’il convient de consolider, et non de fragiliser en rajoutant à sa réputation celle d’un intérêt pour des transmutations biologiques.

L’étude de l’hypothèse de ce domaine représente ainsi une trappe supplémentaire, ouverte au fond même du piège de réputation que les RNBE représentent. Une trappe en conséquence largement contournée par nombre de chercheurs RNBE, mais pas par tous. Des chercheurs tels que Jean-Paul Bibérian,[37] Hideo Kozima,[38] et principalement Vladimir Vysotskii en Ukraine et Anna Kornilova en Russie,[39] publient régulièrement des papiers documentant la diminution à faible coût thermique, énergétique ou économique, de la demi-vie de radionucléides.

On ne saurait dire à quel point l’intérêt de ces travaux et avancées est significatif pour la civilisation humaine au regard de sa responsabilité de long terme vis-à-vis de la nature qui héberge son espèce.

4.             Intrication alchimique.

Une des raisons de la faible attractivité des études liées à la transmutation biologique au sein de la communauté RNBE a possiblement trait à l’usage du mot même de transmutation. Transmutation connote fortement avec l’alchimie, domaine étranger depuis plus de deux siècles à la recherche scientifique et fortement associé au corpus des disciplines ésotériques. On peut s’arrêter quelques instants, et pour plusieurs raisons qui vont être abordées ici, sur ce terme d’ésotérisme qui parait de prime abord étranger à la démarche scientifique. En soi, l’ésotérisme est-il ascientifique ? Oui, croyons-nous généralement penser, mais cette pensée n’est pas toujours assise sur un raisonnement rationnel. Prononcer le mot d’astrologie par exemple, engagera toute discussion scientifique sur le terrain de l’ironie ou terminera celle-ci de quelques mots !

Car en apparence, les horoscopes sont ridicules, et ce jugement paraît définitif. Certainement, pourtant la vie nous montre que les plus faibles causes, en tout cas du point de vue physique, matériel, pondéral, ont les répercussions pratiques les plus lourdes. Sentiments et idées, pensées et émotions ne pèsent rien, se refusent à toute observation physique, pourtant elles mènent bien le monde. « Indeed, the world is ruled by little else », avait écrit John Maynard Keynes, parlant des idées des économistes, dans sa Théorie générale de 1936. Et que pèse le rayonnement magnétique de la terre ? Rien, par définition, pourtant sans lui, il n’y aurait pas de vie sur terre, du fait de la puissance ionisante des protons à très haute énergie dont le cosmos est généreux.

De même, le rayonnement des astres du système solaire ou celui des constellations dont elles traversent le champ apparent, sont quantitativement infinitésimaux d’un point de vue relativiste ou newtonien. Mais sont-ils si inefficaces, si transparents sur les systèmes nerveux et neuronaux du nouveau-né ou de l’adulte, d’un point de vue global ? En réalité, nous n’en savons rien, du fait de la conjonction de deux ignorances : la science n’étudie pas ce domaine, et l’astrologie n’étudie pas la physique et pas plus d’ailleurs, généralement, l’ésotérisme, qui ensemble pourraient possiblement expliquer ce qu’elle pense observer mais n’explique pas.

5.             L’ésotérisme est un structuralisme.

En réalité, on peut voir dans l’ésotérisme, ensemble de disciplines apparemment disparates et déconsidérées, une approche structuraliste et coordonnée, une tentative d’ordonner la compréhension du domaine invisible du réel, un regard pluriel et systémique, toutes tentatives qui s’inscrivent dans la prétention historique de l’humanité à comprendre son environnement. De ce point de vue-là, ésotérisme et physique sont proches. Les deux ont pour propos d’élaborer une théorie du tout, un tout physique et énergétique pour la physique, un tout humain et universel pour l’ésotérisme. Est-ce ridicule ? Oui, semble-t-il à quelques-uns. Mais autant dire alors qu’il est ridicule de penser.

La tentative de comprendre rationnellement le réel, manifesté en objets, matière, énergie, sentiments, émotions, avis, pensée, intelligence, musique, art, cosmos, particules et ondes quantiques, perception de la beauté, du vrai, du juste, du bien, est synonyme du fait humain, probablement depuis l’invention de l’humain, si tant est que le domaine humain soit en cela fondamentalement différent du reste du vivant. Cette tentative est aussi un synonyme d’ésotérisme, cette tentative de cartographier les filigranes de la vie quotidienne et du réel, de rationaliser l’invisible, de penser la physique de l’âme.

Est-ce infondé ou sans espoir d’avancée ? La question ne se pose pas pour nombre de censeurs. L’ésotérisme : pseudo-science, sujet suivant ! Mais qu’en savons-nous en réalité ? Bien des légendes mythiques relatives à des trésors enfouis dans les décombres de châteaux vaincus par le temps ont révélé des dépôts précieux bien réels offerts à la sagacité, et au patrimoine, de chercheurs tenaces. On peut inférer que l’ésotérisme, champ de mythes croyons-nous pouvoir dire, recèle des trésors qu’un futur sagace et plus tenace que notre présent suffisant pourra découvrir.

Certes, il y a un bruit considérable autour du signal ésotérique, mais en filtrant celui-ci, on peut certainement y trouver des propositions d’un intérêt considérable, que l’auteur de cet article a étudié dans son domaine, l’économie, dans l’analyse des marchés, processus d’innovation, marketing, management, tourisme ou théorie monétaire. [40] On peut également noter que l’ésotérisme est désormais abordé par la recherche universitaire.[41] [42]

Dans le cas de la physique en général et des RNBE en particulier, le point de convergence potentiel avec l’ésotérisme s’appelle … alchimie, et on peut aborder ce domaine un instant également.

6.             Alchimie physique.

Qu’est-ce que l’alchimie ? On la résume souvent à l’une de ses prétentions, certes remarquable : elle aurait la capacité, en tout cas l’ambition, d’élaborer une poudre, la fameuse « pierre philosophale » pouvant transformer plomb ou mercure, voire d’autres métaux, tel que l’argent, en or. Cela semble une fantaisie, d’un autre âge, mais là-encore, est-ce si certain ?

La recherche alchimique, historiquement indissociable de la chimie jusqu’au 18ème siècle, sut partout dans le monde associer plomb, or et mercure.[43] Or ces trois éléments dont le 20ème siècle sut découvrir la proximité sur le tableau périodique de Dmitri Mendeleïev, n’ont pourtant pas grand-chose en commun du point de vue de l’expérience sensible immédiate, notamment entre le mercure et l’or. L’or, solide à température ambiante, d’une couleur jaune-or caractéristique, est quasiment moitié plus lourd que le mercure, d’un rouge vif, lequel est liquide à l’état naturel, lorsqu’il est extrait de son minerai. Pourquoi alors les avoir choisis dans cette démarche alchimique, et pas le cuivre ou le zinc, plus semblables à l’or par le poids ou l’apparence visuelle, ou d’autres métaux plus similaires par la masse volumique ou l’apparence, et cela dans des régions du monde très éloignées ?

Car il y eut une alchimie dans l’Égypte antique, les textes connus les plus anciens en proviennent ; une tradition de cet ordre en Chaldée, l’Irak actuel ; en Inde également ; il y eu une éminente alchimie arabe, à la fois expérimentale et théorique, qui domine tout le moyen-âge occidental ; une alchimie en Corée, probablement provenant de l’étude et de la pratique de celle-ci en Chine[44], où le mot même d’alchimie fait directement référence au mercure, l’idéogramme utilisé étant celui aujourd’hui encore du cinabre, ou sulfure de mercure.

Pourquoi néanmoins s’intéresser à l’alchimie dans le questionnement sur les RNBE ? N’est-ce pas ouvrir un trou plus large encore, une troisième trappe au fond de la deuxième trappe de réputation, celle de la transmutation biologique, sous celle de la fusion froide ? En fait, cette proposition est issue de la considération développée plus haut sur la relation entre universalité et enjeux de société.  En effet, si ésotérisme, alchimie, transmutations biologiques, RNBE, véhicules électriques, éoliennes flottantes, promotion du vélo ou de la marche à pied, méthodes de culture sèche, géo-ingénierie, peuvent apporter quelque élément que ce soit à la marche de l’humanité face au réchauffement climatique, pourquoi s’en priver par principe ?

Parce que, pour ce qui concerne RNBE, alchimie ou transmutation biologique, le piège de réputation est large ? Très large est également le boulevard des problèmes de l’humanité, étroite la porte qui mène aux prix Nobel, en tout cas aux progrès scientifiques, théoriques et expérimentaux, incrémentaux. Certes, l’étroitesse rabote un peu, elle n’est pas toujours confortable à vivre au quotidien, il n’est pas agréable de voir d’autres collègues, moins inventifs mais plus standard, progresser dans la carrière universitaire, mais l’étroitesse des conditions permet aussi une conversation sur les fondamentaux, libre du souci de conformité.

7.             Cliquet technologique civilisationnel.

Est-ce que l’alchimie industrielle aurait un sens technologique, en tout cas pour la production d’or ? Il faut observer que, passé l’effet d’aubaine immédiat, la production exogène d’or, par exemple à partir du mercure, aurait un intérêt économique assez limité. Le stock mondial d’or, autrement dit la quantité totale d’or produit depuis 10.000 ans correspond à moins de 10 années de production actuelle d’argent. Si l’or est cher, c’est parce qu’il est certes plaisant à regarder et porter, utile technologiquement, mais surtout peu abondant. Supprimer cette dernière caractéristique, le transformerait, du point de vue économique, en fer blanc.

On peut au passage poser la question de l’origine de l’or, et généralement de la plupart des métaux lourds, dans l’écorce terrestre, car cette question pourrait avoir un lien avec les RNBE. Logiquement, ils devraient en être essentiellement absents, attirés par gravitation dans le noyau central, ou formés dans celui-ci, mais ce n’est pas le cas à l’évidence, car il y a beaucoup plus d’or et de métaux lourds dans la première couche du globe que la théorie ne permet de le comprendre : la raison de cette présence reste essentiellement inexpliquée.[45]

Une hypothèse est celle de la génération d’or par la collision d’étoiles à neutrons, mais outre que cet évènement est peu courant, même à l’échelle de l’univers, de nombreuses interrogations demeurent quant à un éventuel « bombardement tardif » de notre planète par des météorites issues d’une telle collision. En sorte qu’on peut se demander si la terre elle-même n’a pas servi au cours de sa longue histoire de réacteur nucléaire à basse énergie dans ses couches superficielles. En effet, si des bactéries peuvent provoquer des réactions nucléaires en milieu biologique, si protons et neutrons peuvent transmuter à basse pression thermique, l’une des implications de ce potentiel concerne l’hypothèse de RNBE en environnement géologique.

On peut noter ici les travaux de Mikio Fukuhara qui propose la théorie d’une création endogène des éléments terrestres, par fusion nucléaire du carbone et de l’oxygène contenue dans l’aragonite au sein de la croute terrestre, du fait de l’interaction de particules endo- et exogènes sous la pression thermique à 2600 kilomètres de la surface du globe.[46]

On peut noter au passage que la relation entre alchimie et économie est une longue mais aussi assez curieuse histoire. Parmi les grandes fortunes recensées par l’histoire, le grand argentier de Charles VII, Jacques Cœur ; Nicolas Flamel ; Cosme de Médicis l’ancien ; Jacob Fugger ; eurent en commun d’avoir connu une richesse rapide et immense en partant de presque rien, d’avoir possédé des mines, une couverture relativement pratique pour écouler de l’or alchimique s’il en est, et un intérêt supposé ou avéré pour l’alchimie.[47] Sur l’autre versant de la conversation, l’économiste John Maynard Keynes acquit les manuscrits d’Isaac Newton sur l’alchimie, qu’il étudia pendant six ans, publiant une monographie sur ce sujet.[48]

8.             Alchimie industrielle.

Il faut observer qu’une éventuelle technologie « alchimique » aurait un très grand intérêt social, bien au-delà de l’usage ou de la valeur de l’or. Car ce dont il est question avec les RNBE, c’est la capacité de transformer un élément en un autre élément, à faible coût sanitaire, écologique et économique. Il s’avère que dans le cas des RNBE en matériau dense, cette transformation s’accompagne d’un gain thermique supérieur au coût énergétique de sa production, on parle donc de réaction exothermique, un gain évidemment précieux au regard de l’urgence climatique et du modèle économique énergétique dans la société humaine. Cependant l’hypothèse RNBE porte aussi sur une partie de la promesse alchimique, à savoir sur la perspective de transformer un radionucléide en un élément stable, ou de manière plus large encore, sur l’hypothèse de transmuter tout élément dans un élément proche sur la table de Mendeleïev.

Autrement dit si la transmutation d’éléments complexes tels que métaux lourds ou radionucléides, ou la production de terres rares, devenaient envisageables des points de vue technologique et économique, là, on change d’époque. On peut même estimer qu’il s’agit ici de l’intérêt numéro 1 des RNBE : si elles sont possibles, elles peuvent financer et produire un changement sociétal significatif, parce que civilisationnel et planétaire.

En somme, les RNBE représentent la perspective d’un passage d’une société de cueillette de ressources premières, ce que notre époque est encore pour l’essentiel, à une société de production de ressources premières par transformation. Ce procédé permettrait de résoudre les enjeux immédiats des déchets radioactifs, usuels du fait de l’industrie nucléaire ou consécutifs à des accidents, mais au-delà ferait émerger un modèle économique planétaire de production d’éléments, tels que métaux / terres rares pour l’industrie électronique, non plus par extraction, raffinage et production composite ou stockage, mais par transmutation.

Ce scénario est-il science-fictionnesque ? En fait, il ne l’est pas plus que la transmutation d’azote en oxygène réalisée par Ernst Rutherford et Frederick Soddy en 1919 par l’usage de particules alpha, ou celle d’aluminium en silicium par le même procédé à quelques temps de là. Notons ici que la légende, crédible, veut qu’à cette occasion Rutherford aurait dit au co-auteur de cette expérience Frederick Soddy : « Pour l’amour du ciel, Soddy, ne prononcez pas ce mot. On va vouloir nos têtes en nous traitant d’alchimistes ! ». Rutherford et Soddy se connaissaient depuis vingt ans, et Rutherford connaissait très bien l’intérêt, documenté, de Soddy pour l’alchimie, un intérêt qui précéda ses découvertes dans ce domaine[49].

Ancien et brillant élève d’Oxford, s’étant résolu à accepter un modeste emploi dans un laboratoire de l’Université Mc Gill à Montréal, Soddy y avait poursuivi ses recherches, entamées à Oxford, sur l’alchimie, au point d’être persuadé de pouvoir redécouvrir un jour les modalités de cet art antique. Il ne fut pas le seul d’ailleurs, et les vingt premières années du vingtième siècle virent la réapparition d’un vif intérêt pour l’alchimie.[50] Pourtant, une partie de l’histoire, jusqu’à ce jour en tout cas, est connue : l’argument de Rutherford porta, le mot de transmutation fut écarté, et on lui a préféré le terme de désintégration. Il s’agit bien cependant de la même chose et on pourrait même soutenir que le mot transmutation est plus précis et exact que celui de désintégration. Désintégration a un sens courant proche de disparition, destruction, dilution complète, or la radioactivité définit la mutation de noyaux instables par l’émission de particules et/ou de rayonnements, pas leur disparition ou désintégration.

Pour autant, la transmutation alchimique, au sens courant du terme, est-elle envisageable d’un point de vue scientifique ? En fait, elle est aussi envisageable qu’une réaction nucléaire à basse énergie, puisque ces deux expressions disent la même chose. La charge émotionnelle de l’expression transmutation alchimique est plus forte que celle de RNBE, aussi n’est-elle presque jamais utilisée, mais ce qui fut autrefois imaginé sous ce nom par Frédérick Soddy est aujourd’hui utilisé quotidiennement dans une quantité de secteurs sanitaires ou industriels sous le mot de radioactivité.

9.             Alchimie, intelligence artificielle et astrophysique.

De ce fait, d’un point de vue économique, il est possible de considérer la littérature mondiale relative à l’alchimie comme un ensemble de données exploitables pour faire avancer la recherche sur les RNBE.[51] Car que décrit cette littérature ? A travers siècles et continents, un même processus de purification d’éléments physiques ou conceptuels, mercure, cinabre, carbone, sel, souffre, accompagné d’un processus de chauffage. La pierre philosophale une fois obtenue, en réalité une poudre rouge, passé deux étapes préalables, l’œuvre au blanc et l’œuvre au noir, était censée pouvoir provoquer une réaction, transmutant des métaux denses, tels que plomb, mercure ou argent, en or, dans un processus de chauffage de quelques dizaines de minutes. Est-ce si étrange ?

Dans la pratique, la plupart des expérimentations RNBE de saturation de métaux denses par des isotopes d’hydrogène durent de quelques dizaines à centaines d’heures, et s’effectuent dans des niveaux thermiques de quelques centaines de degrés, cohérents avec les niveaux documentés par la littérature alchimique mondiale, et maîtrisés par l’humanité depuis des milliers d’années. On peut reprendre les mots anciens d’œuvres au blanc, noir et rouge pour représenter ces recherches contemporaines, on peut aussi requalifier les tentatives alchimiques historiques avec un vocabulaire et des connaissances scientifiques plus actuels.

Plus largement, on adressera ici une autre dimension de l’universalisme, celui de l’universalité des savoirs. On dit parfois que les savants du seizième siècle Européen ont été les derniers à pouvoir maîtriser toutes les connaissances scientifiques de leur époque, celles de l’Europe en tout cas. C’est en réalité assez abusif, car c’est ignorer le corpus scientifique considérable d’autres régions du monde au même moment, au Moyen-Orient, en Afrique, en Chine, en Inde, au Japon, en Corée. Pourtant, cette universalité de principe est d’une certaine manière redevenue accessible sur les 15 dernières années avec l’intelligence dite artificielle. Grâce à cette technologie informationnelle, il est aujourd’hui possible d’avoir connaissance de l’ensemble des données scientifiques disponibles par l’intermédiaire des outils et méthodes de fouille de données.

L’usage de l’épithète artificielle est peut-être inexact, il y a débat, mais celui d’intelligence est en tout cas approprié, au moins en anglais, car intelligence, dans cette langue, signifie information. L’intelligence artificielle, dans cette approche, est la capacité d’associer des ressources informatiques et électroniques à des algorithmes de recherche et de classement élaborés par des êtres humains. On peut estimer que des programmes de fouille de données pourraient étudier avec profit les corrélations non seulement des ouvrages alchimiques traditionnels mais aussi d’un grand nombre de domaines scientifiques et technologiques connexes voire immédiatement éloignés de la physique, tels que la santé, l’industrie thermique, biologie et microbiologie, avec la littérature scientifique contemporaine, pour dégager d’éventuels éléments de convergence ou d’interrogation communs, et inspirer des axes de réflexion innovants autour des inconnues et perspectives des RNBE.

Un des aspects parmi les plus prometteurs de cette convergence possible est probablement à trouver dans l’astrophysique. L’univers représente une expérimentation géante des configurations et processus que la science de l’infiniment petit aborde. Si la physique des matériaux peut enregistrer des RNBE, l’astrophysique devrait pouvoir les constater, et il y a donc là très probablement un vaste champ d’étude.

Pour autant, comme dans le domaine des sciences solides, le piège de réputation agit dans le monde de l’astrophysique. Pour pouvoir trouver quelque chose, il faut pouvoir le chercher, ce qui commence par définir ce que l’on conçoit pouvoir chercher. La base de données en mesures astrophysiques est considérable, dans ce domaine également, l’atténuation du piège de réputation pourrait amener des avancées scientifiques significatives.

Un exemple d’approche est fourni en 2019 au 21ème congrès de l’ICCF par V.I. Vysotskii, M.V. Vysotskyy, de la Taras Shevchenko National University de Kyiv, Ukraine et Sergio Bartalucci INFN Laboratori Nazionali di Frascati, Italie autour de la concentration anormale de deux isotopes du lithium, Li 6 et 7, dans l’univers, problème connu sous le nom de paradoxe du Lithium.[52]

IV.         RNBE et universalisme : pour une approche globale

Comme on l’a vu, la question posée par les recherches sur les RNBE est donc sérieuse, documentée, et large. Pourtant, aussi importantes que soient ces recherches pour la société humaine, elles restent peu considérées et donc peu financées. Cette situation durant depuis plus de trente ans, comment en sortir ?

Nous proposons d’observer que la faible relation des RNBE avec l’universalisme et parallèlement la perte de vitesse de ce concept dans la société mondial, représentent paradoxalement une perspective pour résoudre ce double problème.

Positionner la recherche RNBE dans une perspective d’universalisme, c’est-à-dire favoriser le regard de la société humaine sur l’apport social holistique auquel elle peut contribuer, pourrait améliorer sa perception sociale et donc son accès aux financements et à l’écosystème « mainstream ». Ce positionnement contribuerait en retour à un regain d’intérêt pour l’universalisme en général et pour la science en particulier.

Il suffit parfois, et même très souvent, si ce n’est généralement, de nommer les choses avec précision pour qu’elles apparaissent pour ce qu’elles sont. Le choix des mots est évidemment essentiel en communication, cette pratique consistant à utiliser des outils – verbaux, mentaux, conceptuels, sémantiques, émotionnels, graphiques, musicaux, etc. – pour rapprocher des êtres humains. Une bonne communication utilise des mots qui sont compris de tous.

Manger, se chauffer, nourrir sa famille, élever ses enfants, prévoir raisonnablement ce dont l’avenir sera fait, sont des mots compris par tous les êtres humains. Ce sont ces mots que la phrase RNBE dit en essence, alors autant donner à ces mots sous-entendus mais non dits une existence concrète. Pour être entendu, il faut parler. Manger, se chauffer, nourrir sa famille, élever ses enfants, pouvoir se projeter à plus un, cinq ou dix ans, sont les mots d’une phrase simple, nécessaire, admirable et possible.

1.             Le blé pousse, donc la terre est plate.

En fait, on pourrait comparer ce que vit la communauté RNBE avec le syndrome de la terre plate que vivent les physiciens. Ceux-ci ont beau être convaincus que la terre est sphérique, il leur est difficile comme on l’a vu de prouver cette sphéricité à des regards concentrés sur l’évidence immédiate. C’est donc un syndrome irritant, en plein 21ème siècle, mais eux-mêmes pourtant l’emploient assez couramment en ayant du mal à sortir de l’évidence du modèle standard quand le sujet des RNBE émerge.

Car l’évidence, c’est en somme que la terre du modèle standard est plate, et qu’on ne saurait bien sûr, parce que c’est évident, imaginer la rotondité proposée par la communauté LENR.

Et qu’entend celle-ci de son côté ?

Ceci : « les RNBE, n’existent pas, c’est évident ! » En somme, on lui dit l’équivalent de qui est rétorqué aux « sphéricistes » : « Écoutez, cela fait dix mille ans que l’humanité plante des graines dans la terre, 10.000 ans qu’une graine de lin correctement arrosée va produire les fibres dont on fait tissages et vêtements, nous sommes bien d’accord ? Nous le sommes en effet ; or tous les champs, sans exception, m’entendez-vous ? sur lesquels on a fait pousser du lin depuis la nuit des temps sont plats ; cette propriété n’a jamais, absolument jamais, été prise en défaut, toute l’humanité se nourrit ainsi, toute l’industrie agro-alimentaire, de la fabrication des tracteurs à l’emballage des pois surgelés, fonctionne ainsi ; donc la terre est plate ».

Certes, on ne lui dit pas exactement ça, mais cela revient au même. D’improbables agriculteurs de réactions nucléaires à basse énergie récoltent de l’autre côté de la planète scientifique des résultats inattendus par le modèle standard, c’est donc impossible, puisque d’anti-hémisphère de lui-même dans le modèle standard.

Poursuivons l’analogie : localement, oui, la terre est plate, c’est indéniable, dans une plaine près d’un fleuve par exemple ; mais dans une vision globale, holistique, elle ne l’est pas du tout pourtant. Ce qui est évident, c’est que la terre est plate ; ce qui est occulte, caché de l’expérience immédiate, et donc douteux, mais beaucoup plus vrai, c’est que notre planète est sphérique. C’est ce schéma qui s’applique au sujet des RNBE. Ce qui est évident, c’est que les transistors sont produits dans d’immenses usines. Ce qui est relativement caché et peu connu, mais tout aussi intéressant, c’est que les RNBE sont une réalité scientifique expérimentale, reposant sur une propriété similaire à celle qui fait pousser, avec un peu d’industrie, les transistors sur les tranches de silicium : il y a un effet tunnel caractérisant les RNBE.

En somme, on confond pour rejeter les RNBE l’utilité et l’évidence d’une description locale – la moindre résistivité d’un matériau semiconducteur, la culture d’haricots, de lin ou de blé – avec la cause des effets escomptés, haricots ou transistors. Or, certes le blé ne devrait pas pousser la tête en bas, certes un matériau non-conducteur devrait être non-conducteur du champ électrique, certes on ne devrait pas pouvoir réaliser de réactions nucléaires à basse énergie dans l’état de nos connaissances, c’est-à-dire au regard du modèle standard, mais, en réalité, vu d’ensemble, si, on peut, et surtout on fait.

Vu d’ensemble, on peut acheter en Europe en hiver du raisin récolté quelques jours auparavant en Australie ou en Nouvelle-Zélande, même si ce n’est pas – pour le moment en tout cas – précisément écologique. Vu d’ensemble, blé, lin et haricots poussent la tête en bas, sur l’autre hémisphère que celui où chacun se situe. Vu d’ensemble, les transistors existent. Vu d’ensemble, des nanopoudres métalliques denses saturées d’isotopes d’hydrogène peuvent produire de la chaleur excédentaire dans un bain électrolytique d’oxyde de deutérium. Ça n’a rien de scandaleux, c’est la nature qui produit cet effet, le physicien comme l’agriculteur n’en sont que les ouvriers.

Vu d’ensemble, nous marchons en même temps sur les faces d’une bande de Möbius, et ce n’est pas forcément simple à admettre. Créons une bande de Möbius avec une feuille de quelques centimètres de large, une face coloriée en bleue, l’autre en rouge, relions une extrémité à l’autre avec une torsion d’un demi-tour, que constatons-nous ? La face rouge amène à la face bleue. Même en réalisant soi-même cette expérience, on peine à comprendre ce que l’on voit : envers et face d’un même objet sont sur le même plan. Même l’évidence visuelle peine à l’admettre, mais c’est vrai. De même, les RNBE ne sont certainement qu’un aspect particulier d’une caractéristique plus générale, pour le moment inconnue ou méconnue. C’est tout aussi évident que pour les faces bleue et rouge d’une bande de Möbius : bien que l’évidence soit là, nous avons du mal à l’imaginer, le voir, le croire, pourtant il y a une raison à toute chose.

2.             Les RNBE dépendent de l’universalisme.

Dans la thématique des RNBE, comme dans tout autre domaine scientifique, sujets, programmes et budgets de recherche-développement dépendent d’une relation correcte avec l’ensemble des valeurs que la société doit partager si elle veut exister. Si cette relation est faible pour les RNBE, et c’est le cas à ce jour, la conversation entre société et chercheurs RNBE est difficile. Mais si elle progresse, tout est permis.

Or, cette relation peut-elle s’améliorer ? C’est souhaitable, mais c’est aussi envisageable, car dans d’autres domaines on peut aisément observer que cette relation est satisfaisante autour de sujets nettement moins avancés en termes de résultats concrets. Théorie des cordes, informatique quantique, supraconductivité à température ambiante disposent ainsi de financements significatifs, tout en ayant une maturité technologique nettement plus faible que le domaine des RNBE.

3.             Notre responsabilité individuelle est engagée devant la société humaine.

De manière générale, pour obtenir un financement, porteurs de projet, décideurs publics, responsables d’un budget public ou privé de recherche-développement, doivent présenter un cadre social cohérent de leur projet. Autrement dit, ils doivent présenter leur projet dans sa relation avec les vecteurs communs de compréhension et d’objectifs de la société. Si cette relation est évidente, effective ou démontrable, si ce projet concorde avec les référentiels universalistes de la société ou de la structure dont ils participent, ce projet sera compris et validé, et les financements seront accordés. Tout prêt ou apport financier repose sur un crédit immatériel, c’est-à-dire sur une confiance mutuelle entre apporteur et porteur du projet. Tout financement d’un projet intervient lorsque financeurs, porteurs du projet et analystes du marché concerné partagent un champ commun de conviction.

Or le porteur principal du marché, en définitive, c’est nous, la nation humaine, nous, tout être humain, élément intriqué de la société humaine. Ce qui revient à dire que nous, humains, sommes collectivement responsables du marasme de la recherche sur les RNBE. Par ignorance, que nous entretenons sans le savoir, et parfois par conviction, nous nous satisfaisons des « séparatiels » de la société humaine, dont le déficit de reconnaissance de la recherche sur les RNBE est un effet. Mais nous en sommes aussi les premières victimes, payant le prix de notre soumission au consensus séparatiste dans le dédain du gigantesque potentiel de l’universalisme social en général et des RNBE par exemple.

4.             Repeindre la porte du laboratoire RNBE.

La société dans son ensemble, c’est-à-dire nous-même, devons certainement rehausser l’attention portée aux travaux sur les RNBE, mais de son côté, l’écosystème RNBE dispose d’une marge de progrès significative quant à l’optimisation de sa relation avec la société. Par exemple en considérant que son objectif premier est de contribuer à affiner la description et la compréhension du monde physique et énergétique pour améliorer la vie courante. Cela semble évident, oui, mais est-ce bien le cas ?

En fait, non, pour des raisons certes compréhensibles mais qui nuisent à la qualité de sa relation à la société. Car dans la pratique, l’objectif premier de la communauté RNBE est, pour sa composante expérimentale, de parvenir à des réactions exothermiques significatives et reproductibles, et pour sa composante théorique de définir un modèle explicatif satisfaisant. Cela semble également aller de soi, mais ces objectifs, tout légitimes qu’ils soient, ne s’inscrivent pas dans la conversation sociale actuelle concernant la science, une conversation dans laquelle ils pourraient cependant aisément s’y insérer. Comment le pourraient-ils ? 

Pour répondre à cette interrogation, il faut tout d’abord observer que la définition de processus exothermiques répétitifs, exploitables industriellement, comme la définition d’un cadre théorique des RNBE, sont des actes de rébellion au regard du consensus sur le modèle standard. Une rébellion certes nécessaire, car la science est en réalité un mille-feuilles de rébellions successives, et cette rébellion-ci, comme les autres, sera célébrée par l’histoire si elle devient victorieuse.

Mais sur le moment toute rébellion est par définition conflictuelle, donc difficile, difficile à organiser, à financer, à traverser. Et il est probablement d’un faible secours de considérer qu’un grand nombre des avancées majeures en science sont nées dans un berceau de critiques et dans un ruisseau d’avancées incrémentales qui semblent aux générations futures comme inexistantes. De la fin des années trente du siècle passé datent les premières avancées en informatique électronique, et personne n’imaginait alors quelle importance future elles auraient. Il en est probablement de même avec les efforts des pionniers en RNBE ; plus tard viendront les reconnaissances.

Une autre condition consisterait à considérer, et présenter, le travail de la communauté RNBE comme une contribution à l’amélioration du modèle standard, en tout cas de la science nucléaire, autrement dit comme un acte de conversation scientifique. Dans le premier cas, la rébellion, il s’agit d’avoir raison contre tout le monde, c’est compliqué ; dans le second, la conversation, il s’agit de parler avec l’ensemble de la société humaine, c’est plus aisé en réalité.

5.             L’universalisme social est en difficulté.

Comment y parvenir ? Pour cela, approfondissons un peu encore la notion d’universalisme. Est-elle un concept pertinent, globalement, au-delà du domaine de la physique, ne serait-ce que théoriquement ? Comme nous l’avons vu brièvement, non, répondent une quantité de forces sociales à l’échelle du monde. Pire, dans cette réponse, aucun universalisme politique, social, administratif, économique même, ne serait même à imaginer, encore moins à espérer, comme en témoigne le discours, en audience croissante, de l’ultra-nationalisme, branche de l’ethnocentrisme.

Dans ce narratif-là, il n’est de vérité politique, autrement dit d’organisation sociale optimale, que locale, relative, limitée à un territoire, une nation, voire une culture. Même le multilatéralisme, c’est-à-dire l’idée que les problèmes internationaux sont à résoudre dans une approche conversationnelle entre pays, serait un non-sens, un écueil à éviter, une illusion inféconde. Mondialisme ? Mot honni. Les états sont maîtres chez eux, point. Au plus, pourraient-ils, s’ils le souhaitent, s’associer entre eux dans des alliances régionales ou culturelles. En clair : combattons-nous les uns les autres, de manière « douce » ou forte, le plus fort gagnera, ou plus précisément, les plus forts dans le court terme gagneront. A long terme cependant, tout le monde est perdant.

Or, le long terme, forcément, il arrive un jour, et ce jour, c’est maintenant, un maintenant où le paysage géopolitique rassemble des perdants d’avance dans une lutte épique et cruelle où les alliances de court terme entre dominants régionaux s’efforcent à grands frais humains de stabiliser la situation dans des équilibres temporaires, et précaires, parce que liés à leur puissance militaire, économique ou de communication.

Est-ce une approche intéressante et viable ? Chacun peut répondre à cette question au regard de la situation ou l’évolution du monde, mais c’est en tout cas l’approche générale de l’humanité à ce jour et chacun d’entre nous y contribue. Nul ne met en cause le principe du chacun chez soi. Journaux, partis, conversation en famille ou entre amis ou sur les réseaux sociaux, entre nations, états et recherche universitaire ont un point commun : il ne s’y trouve quasiment pas de trace de l’universalisme politique.

Le concept de fédération régionale, encore moins planétaire, des nations est un non-sujet, un concept inconnu, une idée absente. Même au sein des rares acteurs d’un fédéralisme intermédiaire, tel qu’avec l’Union Européenne par exemple, on ne trouvera aujourd’hui quasiment plus de voix pour rappeler l’idéal universaliste au cœur des préparations dans les années 1950 de ce qui devint l’Union Européenne d’aujourd’hui ou l’Organisation des Nations Unies en 1945. Qui parle encore de créer les Etats-Unis d’Europe, objectif central et formalisé comme tel des pères et mères de l’Europe du début des années 50, qui se souvient du Comité d’Action pour les Etats-Unis d’Europe ?[53]

A peu près personne ! Sans cet idéal, sans ces rencontres pourtant, la chaine des guerres européennes, incessantes depuis le haut moyen-âge, n’aurait pas été brisée dans ce sous-continent. Mais personne ne s’en souvient semble-t-il. C’est même tout le contraire : toute mondialisation est désignée comme ennemie du peuple, sans parler des discours moyenâgeux allumant les feux d’une terreur irrationnelle dont on connaît à l’avance les multiples conséquences désastreuses : elles ont été répertoriées par l’histoire au cours des siècles et l’horreur de cette histoire fait frémir.

6.             Universalisme politique et recherches sur les RBNE.

Pouvons-nous sortir de la dynamique régressive de cette guerre civile planétaire quasi-incessante ? Dans son dernier livre, écrit à la hâte tandis qu’il est recherché par la Terreur et la Convention, Nicolas de Condorcet avait décrit dans son “Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain ; fragment sur l’Atlantide” une société savante planétaire, œuvrant à l’amélioration de la vie humaine. [54]

On peut considérer que ce rêve reste d’actualité.

Un rêve, car 230 peu fécondes années après, à cet égard au moins, la coopération planétaire imaginée par Condorcet n’est toujours pas une réalité, mais un devoir humain inachevé. Un devoir qui reste une potentialité, une potentialité indispensable au succès de la recherche sur les RNBE. A certains égards, il est possible que ce devoir soit même de nature vitale pour l’humanité.

Penser l’universalité de la famille humaine n’est pas une conversation de salon, un rêve utopiste pour penseurs alternatifs, c’est une question posée par le présent au futur. Tout être humain est, nous sommes tous, le futur, ce tissu fabriqué par le croisement de nos actions et de nos objectifs, de ce que nous espérons et faisons. Si parmi nos objectifs ne se trouve pas l’universalité, nous ne l’atteindrons jamais : pourquoi et comment arriverions-nous à une localité que nous ne situons pas même sur la carte des possibles ?

La première des conditions permettant d’espérer arriver à un point B, c’est de définir ce point. Si nous ne savons pas où aller, nous ne pourrons y parvenir. Mais si nos objectifs intègrent l’idée d’une universalité dans l’organisation de la vie humaine, du simple fait de cet objectif maintenant imaginé, dessiné nommé, espéré, tout change déjà en réalité.

Pourquoi dès lors ne pas l’envisager ? Parce qu’elle est impossible ? Où est-ce écrit ? Toute entreprise qui parvient à proposer et commercialiser ses produits à l’échelle mondiale devient immensément puissante, plus même que la plupart des États, et l’humanité ne serait pas capable de mettre en place ce que de simples individus parviennent à établir dans l’espace de dix ans, et parfois moins encore ? [55]

En réalité, ce qui manque avant tout à l’humanité, c’est l’idée de s’unir. Et si cette idée manque, c’est d’abord parce que nous ne parlons pas d’elle, ou quasiment pas. L’absence de communication sur un tel projet empêche l’humanité de concevoir et par suite de réaliser ce qu’elle pense impossible et qui serait en réalité d’une extraordinaire simplicité à concrétiser tant les conditions ont changé, tant tout s’y prête aujourd’hui.  Faut-il décrire les avantages de s’entraider ? Faut-il rappeler qu’il n’est de progrès sans recherche et développement collaboratifs ? Sans doute, puisque nous n’en parlons pour ainsi dire jamais et déversons des torrents de like pour dénoncer des ennemis imaginaires de nos conforts nationaux, mais illusoires.

Et puis, que voulons-nous pour finir ? Tuer, massacrer, souffrir et faire souffrir ? Car c’est bien cela que nous tolérons, finançons ou encourageons par nos silences, nos conversations, nos likes ou nos posts sur les réseaux sociaux. Voulons-nous cela ou préférerions-nous vivre en paix, localement parce que planétairement, en étant prospères, créatifs, entourés de famille, d’amitié, de perspective, de sérénité, de partage, parce que c’est ce que la paix sociale permet et amène ? Chacun préfère la seconde voie à l’évidence, mais la considérant comme illusoire nous nous résolvons tous cependant à contribuer de toutes nos forces à la première, car pensons-nous, il faut bien protéger ce que l’on chérit et voit autour de soi, tandis qu’une idée de paix un peu utopique, qu’est-ce en effet ?

Pourtant cette protection plate, locale, partielle, topologique de nos intérêts personnels est inféconde, inefficace et ne peut en définitive parvenir à ce qu’elle espère. Le réel n’est pas plat, local, limité, frontiéré. On ne peut protéger un terrain plat entouré d’assaillants potentiels. Les barbelés sont toujours poreux, aucun mur n’a jamais empêché la pluie de tomber. La seule protection réelle, de long terme, est d’envisager une réalité humaine, sociale sphérique, universelle, sans barbelés, car ceux-ci finissent toujours par être coupés ou contournés. La richesse collective et la protection individuelle requièrent en définitive d’envisager une planète ronde, car c’est ce qu’elle est, et de sortir de notre conception séparatiste de la culture humaine.

7.             Le destin des RNBE et celui d’une humanité unie sont-ils liés ?

En tout cas, ils ont beaucoup en commun et peuvent s’apporter beaucoup. Ce qu’ils ont en commun, c’est cette configuration étrange mais universelle, consistant à interdire l’union de l’humanité au motif qu’elle est impossible quand bien même nous la souhaitons pourtant toutes et tous au plus haut point. Un paradoxe qui présente et résume exactement l’absurdité du sort réservé à la recherche sur les RNBE. On ne peut l’imaginer et travailler dessus parce qu’elles sont impossibles, ce qu’elles ne sont.

Ce domaine pourrait, peut ! en quelques années résoudre significativement les problématiques énergétiques et environnementales de l’humanité, mais les institutions et structures chargées de ces problèmes combattent avec la dernière énergie médiatique, éditoriale, académique, etc., ces pionniers hérétiques défiant le temple du modèle standard où l’on célèbre une infinité d’inconnues figées comme autant de déités intangibles. Mais, au juste, pourquoi ? Au nom de la science ? La science consiste à modéliser le réel. Lorsque le réel dit qu’il fait chaud dans un bain électrolytique où du nickel est plongé, il faut savoir écouter ce que les électrons disent, c’est plus sage.

Pourquoi, demandera l’humanité future à celle que nous sommes, avez-vous tant tardé à considérer qu’il est au moins nécessaire de penser l’unité humaine si l’on veut la concrétiser ? Pourquoi avez-vous étouffé un champ prometteur de recherche et de développement scientifique et technologique dans l’un des domaines de préoccupation environnementale parmi les plus aigus pour notre avenir commun ? Pourquoi avez-vous refusé de ou tardé à financer et d’organiser à l’échelle mondiale la recherche sur les RNBE et les domaines qui y sont associés ou en découlent implicitement, pour fournir de l’énergie à la planète humaine dans des conditions plus satisfaisantes, plus durables et plus harmonieuses pour l’environnement ?

L’écosystème RNBE peut, doit entrer dans la conversation scientifique et sociale d’ensemble et contribuer à répondre aux enjeux énergétiques actuels de la société. La ressource en énergie définit la stratification de l’histoire humaine ; première strate : l’usage du rayonnement solaire dans un quotidien initial plus ou moins caverneux, en réalité probablement plus fréquemment dans des cabanes en bois ou en peaux de bêtes, vivant de chasse et de cueillette il y a quelques dizaines de milliers d’années, puis, dans les strates successives, évoluant à travers les âges via toutes sortes de solutions. Bois, moulins à eau et vent, charbon, fission nucléaire, photoélectricité, éolien à nouveau, hydrogène, fusion nucléaire peut-être un jour, ont été des étapes centrales de la vie collective et se trouvent au cœur du futur immédiat de l’humanité.

Confrontée à l’horizon certain de compter 9 milliards d’êtres humains en 2040, 10 milliards en 2050, dans le contexte d’un réchauffement climatique de 2 à 5 degrés Celsius depuis 1900, l’humanité doit penser, financer et mettre en place sa prochaine strate énergétique. Cette certitude détermine la principale force d’attraction de la recherche sur les RNBE, et l’endroit où son effort de communication devrait porter : sur sa capacité à faire progresser science et technologie, et donc la société, dans les innombrables domaines – économiques, sociétaux, culturels, scientifiques, géopolitiques – liés à l’énergie.

8.             RNBE et universalité humaine.

La relation entre RNBE et universalité du genre humain est donc essentielle. Pour que les RBNE soient entendues, la communauté qui l’étudie et en prépare les développements technologiques devrait, doit nous semble-t-il ! adresser l’universalité humaine. Quelle est-elle ?

Génétiquement, émotionnellement, comportementalement, nous, êtres humains, sommes universellement similaires, dans les grandes lignes comme très probablement dans le détail. Pourtant, la prise en compte de cette universalité est faible. Dans la vie réelle, nous sommes pris en compte de manière fractale, stéréotypée, découpée, partielle, séparée, et rarement globale ou individualisée. Humains, individus, tout comme nature, environnement, animaux, pays, nations, cultures, sont compris, considérés, adressés, de manière disjointe, en fonction d’objectifs spécifiques, catégoriels, commerciaux, politiques, genrés, « topologiques », etc.. Autrement dit, nous représentons dans la réalité sociale, dans le monde réel, une terre plate.

La focalisation sur des différences représente aussi une réalité bien sûr, mais une réalité peu féconde socialement, correspondant au syndrome de la terre plate. En élargissant l’audience des RNBE à une plus large gamme de publics, en adressant une plus large palette de dimensions, d’identités, de particularités, de composantes de la société et du fait humain, en visant en fait la dimension universelle, « sphérique », multifacettes, plurielle, de l’humain, seul point de rencontre en réalité entre identité individuelle et fonction d’existence collective, la communauté RNBE permettra une réception de ses réflexions, actions, communications, décisions, etc., infiniment plus développée qu’à ce jour, par effet de résonance.

Pour donner une image, il s’agit d’adresser la rotondité de la dimension humaine pour déclencher une résonance sociale féconde, par effet de résonance humaine. La recherche sur les RNBE est bien plus qu’une simple hypothèse sur la pertinence ou les difficultés du modèle standard ou sur la réussite de l’électrolyse de tel chargement de deutérium sur un substrat de nanopoudres de palladium et d’oxide de calcium. Son questionnement adresse les défis environnementaux, énergétiques, sociétaux et géopolitiques contemporains dans une équation au caractère vital. La phrase dite par les travaux sur les RNBE est à la hauteur des questionnements actuels de l’humanité, confrontée à des températures qui s’emballent dangereusement chaque année un peu plus.

9.             Les financements RNBE : passer de 100 millions à 100 milliards d’Euros.

Certes, s’il est déjà acteur de la recherche sur les RNBE, le lecteur pensera qu’il est bien convaincu du caractère central de ses recherches pour les défis sociétaux. Mais est-ce ainsi que les RNBE sont perçues ? Elles ne sont la plupart du temps pas perçues du tout, ne sortant pour ainsi dire pas du rayon d’invisibilité théorique dans lequel la maintient une compréhension défensive de la science, quoiqu’essentiellement ascientifique dans sa méthode. En élargissant ses efforts pour engager une conversation d’ensemble avec la société, l’écosystème RNBE sortira de son rayonnement froid au regard de son radar.

Le caractère universaliste de la crise environnementale et climatique actuelle, l’équation insoluble entre les besoins énergétiques de l’humanité, et les modalités de production et de consommation énergétiques actuelles, peuvent, doivent conduire les publics adressés par les travaux sur les RNBE : gouvernements, programmes de recherche universitaires et publics, industriels, médias, universités, acteurs sociaux et grand public, en somme nous tous, humains, à considérer qu’il est coûteux de ne pas poser l’hypothèse RNBE, coûteux de penser que le MS interdit leur existence, aisé de constater qu’il n’en est rien et d’en tirer les conséquences.

On peut modéliser mathématiquement et économiquement cette situation, que l’on pourrait appeler le paradoxe RNBE ou le coût du silence. Le coût du silence qui lui est imposé depuis 1989 est remarquablement élevé au regard du bénéfice – social, économique, culturel, humain et financier – que son étude pourrait apporter à la société.

Un simple raisonnement devrait conduire à lever ce paradoxe et il appartient à la communauté RNBE de faciliter ce raisonnement. Plus précisément, la simple hypothèse d’une production thermique positive via des RNBE divergeant du MS, même faiblement, aurait depuis longtemps dû, et doit en tout cas désormais, conduire à engager des budgets d’un ordre de 10 puissance 3 à 7 des montants actuellement constatés à l’échelle mondiale. Les programmes Clean HME et Hermes financés par l’Union Européenne représentent environ 10 millions d’Euros, ce qui constitue une avancée appréciable au regard des 3 décennies précédentes. Toutefois, en additionnant l’ensemble des programmes de recherche publics et privés effectifs et prévisibles des années 2015 à 2024, on ne dépasse probablement pas, tous pays confondus, la barre des 100 millions d’Euros. Certes, c’est sensiblement plus qu’il y a quelques années, mais que représente ce montant dans une perspective planétaire ?

Les organisations internationales estiment le PIB mondial 2021 à environ 100.000 milliards d’Euros/Dollars et la part de celui-ci consacré à la R&D à environ 2,6 %, soit 2.600 milliards d’Euros/Dollars pour la même année, dont environ 2/5 sur financements publics, 3/5 en financements privés. 100 millions d’Euros représentent environ un millième d’un deux-cent-soixantième de ce montant, soit 0,00385 %, soit un gros tiers d’un millième d’un pour cent. Eh bien, c’est peu.

100 millions d’Euros de 2015 à 2024, c’est quand même quelque chose, mais est-ce à la hauteur du potentiel des RNBE ? Et pour commencer, dans la vie réelle, que représentent 100 millions d’Euros ? Cette somme, un dixième d’un milliard d’euros, représente 250 fois moins que le coût estimé du développement du gros porteur A380, ou 360 fois moins que le coût de la route côtière E39 que la Norvège s’apprête à inaugurer, en 2026, ou encore 1.000 fois moins que la déroute, en une semaine de novembre 2022, de la plateforme de crypto monnaies FTX. La technologie blockchain reste certainement intéressante, l’A 380 a représenté une étape importante dans le développement de l’aéronautique, tandis que l’E 39 permettra de parcourir la Norvège en 11 au lieu de 21 heures. Ces deux programmes de développement en particulier sont très utiles, mais le sont-ils 250 fois ou 360 fois plus que la recherche sur les RNBE ? A court terme, peut-être ; mais à moyen terme ? C’est douteux.

A moyen terme, les perspectives réelles et démontrées des RNBE valent probablement beaucoup plus que 100 milliards d’Euros et en tout cas justifieraient un investissement en recherche-développement de ce montant. Que sont 100 milliards d’Euros ? Beaucoup d’argent évidemment, surtout par rapport aux budgets actuels de la R&D en RNBE, mais aussi très peu. Très peu au regard du coût pharaonesque des dépenses d’adaptation au changement climatique que nous devons déjà prévoir et dont le fondement principal tient à notre incapacité collective à saisir qu’ensemble c’est moins cher que divisés en 196 nations utilisant 162 monnaies. 100 milliards d’Euros est très peu face au destin de l’humanité. 100 milliards d’Euros représenteraient également une bonne base de raisonnement pour entreprendre un programme de valorisation de l’universalisme !

En réalité, 1.000 milliards d’Euros est probablement l’unité de compte à considérer pour une approche holistique, globale, de bon sens, des problématiques logistiques et économiques de la nation humaine. Dans la catégorie énergie, production et remédiation de déchets ultimes, les RNBE peuvent apporter une contribution significative. Mais une telle unité de compte ne peut être envisagée que dans une perspective d’unité planétaire. Sinon, c’est-à-dire dans la situation actuelle où de nombreux 1.000 milliards d’Euros sont brûlés tous les mois pour se défendre, prévoir une attaque ennemie ou attaquer ça et là, une telle somme est inenvisageable sur un programme dit « civil », et serait au surplus un coup d’épée dans l’eau, une dispersion inefficace parce que projetée dans l’éther des inutilités.

10.          Eléments pour une recherche mondiale autour des RNBE.

Il parait donc urgent d’envisager l’organisation d’une coopération scientifique et technologique internationale autour de ce nouveau champ de recherche, essentiel pour l’avenir de la nation humaine. Une coopération d’autant plus envisageable qu’elle est déjà en place dans un certain nombre de domaines de recherche scientifique, et anime sous une forme informelle, plus large encore, d’innombrables forums, colloques, sociétés savantes et réseaux en ligne, mettant en place des bibliothèques de données, facilitant la conversation, et organisant des rencontres virtuelles ou présentielles.

Une telle coopération reste avant tout un devoir humain, car la science repose sur un universalisme du réel, et ce devoir, qui pourrait sembler idéaliste, théorique, voire utopique, définit en réalité les modalités pratiques de cette organisation. Pour établir son caractère universel, une vérité scientifique doit s’appuyer sur une communauté de chercheurs et de savoirs à même d’établir sa validité sociale. Plus cette communauté humaine et de concepts et connaissances est large, plus grande est sa capacité à progresser. Dans le domaine des RNBE, si on considère que le modèle standard propose d’importantes marges de progrès, on ouvre d’autant plus de possibilités d’optimiser ce champ scientifique pour résoudre les problèmes de la nation humaine.

Le commencement d’une recherche internationale coordonnée autour des RNBE, c’est de communiquer à son sujet. Comment ? En fait, de nombreux sites d’information de qualité, dont lenr-canr, infinite-energy, lenr-fusion, diffusent l’essentiel de la recherche publiée, y compris dans des revues à comité de lecture. Le Journal of Condensed Matter Nuclear Science, édité par Jean-Paul Bibérian, rassemble et diffuse des centaines d’études de grand intérêt.

Ce qui pourrait démultiplier cette action, c’est le soutien d’une agence de l’ONU organisant à l’échelle planétaire une recherche coordonnée où chaque nation aurait d’autant plus sa place que dans le domaine des RNBE, des recherches de grand intérêt sont possibles avec des équipements relativement peu coûteux. On ne saurait trop mettre en avant l’idée qu’une telle agence gagnerait à promouvoir également l’idée d’une organisation holistique de la nation humaine.

V.           Conclusion. Les RNBE vont-elles sauver le monde ?

Pour conclure cet article, nous ferons un lien entre universalité sociale et avancées scientifiques. Chaque révolution technologique a généré des épanchements confiants dans l’avenir de la famille humaine, souvent par leurs propres auteurs et acteurs, suivies en apparence d’autant de désillusions. L’imprimerie, la radio, la télévision, l’énergie nucléaire allaient permettre un nouvel âge d’or pour l’humanité. Pour autant, celui-ci se fait encore attendre, mais ça ne veut pas nécessairement dire que ces technologies ne concourent pas à construire l’intégration de l’humanité, même si elle est plus lente que souhaité.

Frédérick Soddy, quelques années avant de recevoir un prix Nobel pour ses travaux sur les ions, avait lui-aussi brossé un tableau optimiste des évolutions sociales mondiales que l’énergie nucléaire allait permettre. Il notait toutefois un certain nombre de dévoiements possibles, notamment par la création d’armes nucléaires, et on peut noter que ses propres écrits dans ce domaine devaient inspirer l’écrivain HG Wells dans son roman de science-fiction « The world set free », lequel devait inspirer, selon leurs dires, les acteurs du projet Manhattan dans l’élaboration de la bombe atomique…

La perspective de réalisations humanistes plus faibles qu’espéré ou souhaitable s’applique aussi pour les RNBE. Il n’y a aucune raison de penser que l’élaboration de technologies énergétiques ou de production de matériaux innovants amènera nécessairement l’humanité à être plus sage ou plus unie. La fable d’Ésope – la langue de bœuf, à considérer comme meilleur et pire met – se retrouve ici aussi. Les RNBE sont un nouvel outil, possiblement prometteur, mis sur la table de l’humanité, mais qu’en fera-t-elle ? La question n’est donc pas tellement quoi ni comment mais pour quel objectif, et dans quel esprit, et cela à plusieurs niveaux.

On peut noter que partout où la quête alchimique s’est manifestée, au Moyen-Orient, en Inde, en Chine, en Chaldée, en Europe, cette quête s’est accompagnée d’un volet philosophique, dont le nom même de son Graal, la « pierre philosophale » témoigne. Une sorte d’ascèse spirituelle, une transformation intérieure, devaient accompagner la réalisation du « Grand Œuvre ».[56] On peut interroger cette mise en perspective, qui d’une certaine manière est à rapprocher des questionnements sur le lien entre observateur et observation quantique, en notant qu’elle est au fond très sage. L’alchimie a pu générer des fortunes subites, c’est une possibilité que l’histoire pourrait envisager autour des destinées et biographies de personnages tels que Cosme de Médicis l’Ancien, Jakob Fugger ou même Nicolas Flamel, mais une fortune pour quoi faire ?

La même question se pose pour les RNBE : leur exploitation semble envisageable, mais qu’en ferons-nous ? Cette question est universelle, et fonctionne aussi en sens inverse : l’idéal, le but, l’objectif attendus, s’ils portent et sont portés par l’appétence universaliste de principe de tout être humain, peuvent contribuer à transformer l’hypothèse en réussite, pour d’évidentes raisons liées au partage de l’information, à la protection de la propriété intellectuelle, indissociables de sa distribution, à la mutualisation des dépenses, à la répartition et à l’éthique des retombées et utilisations technologiques et économiques.

Plus les conditions d’exploitation des technologies RNBE qui peuvent être attendues d’un tel développement apparaîtront bénéfiques à l’espèce humaine, en ne se concentrant pas sur les seuls consortiums industriels internationaux ou startups à la croissance météoritique, mais en créant les conditions d’un écosystème auto-porteur planétaire, plus les portes des laboratoires et des plateformes de ressource technologique, plus les fonds d’investissement à impact, plus encore les perspectives de carrière pour des talents souhaitant donner un sens dans leur vie professionnelle, plus les gouvernements et les directoires d’Université, s’orienteront vers cet écosystème de recherche-développement et de distribution industrielle et technologique à somme sociale réelle positive.

De ce fait, on peut esquisser quelques considérations qui permettent d’envisager un scénario de confortement social et non une nouvelle désillusion collective. Par confortement social, il est compris ici le renforcement des dynamiques et structures qui contribuent à la conversation interne de la famille planétaire : Organisation des Nations-Unies, Union Européenne, vie culturelle, et, malgré tout, Internet et réseaux sociaux.

En effet, l’humanité, cette histoire sans raison racontée par un idiot, résumait William Shakespeare, est une aventure au long cours essentiellement marquée par deux combats territoriaux : la course aux ressources alimentaires et énergétiques, et la question religieuse. Commençons par celui-ci. La dynamique des RNBE n’adresse évidemment pas ce domaine, mais en validant à la marge le propos alchimique, elle apporte un éclairage public significatif à la maison mère de l’alchimie, l’ésotérisme. Cet effet collatéral est important, car l’ésotérisme, en tant que rationalisation du spirituel, est susceptible de faire converser les composantes culturelles de la famille humaine sur une base moins antagoniste que ce n’est le cas aujourd’hui.

C’est une piste évidemment éminemment faible, mais c’est une piste, et il n’y en a pas beaucoup dans la large prairie des conflits mondiaux, présents et potentiels. Cet aspect de l’équation proposée par les RNBE est sans doute secondaire, mais nous proposons de considérer qu’il n’est pas exactement inintéressant.

Quant au combat millénaire pour pain, riz, bois, charbon, gaz et énergie, les RNBE formulent une promesse assez intéressante : la possibilité d’une production d’énergie décentralisée et durable. Fusion froide est en effet généralement synonyme de processus utilisant une température allant de l’ambiant à quelques centaines de degrés, sans rayonnements particuliers, et pouvant être mis en place de manière délocalisée.

Ce point est également d’un immense intérêt géopolitique. Les RNBE ne sont pas une promesse de paix mondiale, mais un potentiel permettent d’imaginer un développement économique cohérent face aux enjeux d’une humanité où l’accès aux ressources énergétiques est très inégalement réparti dans les 196 nations du monde. Est-il viable de continuer sur la base de cet éparpillement et de cette injustice ? C’est peu probable, et ce n’est pas ce que l’actualité démontre en tout cas.

Ce potentiel vaut probablement plus que les 100 millions d’Euros investis en 10 ans dans le domaine des RNBE. Il est temps de faire sortir Jean-Paul Bibérian, Vladimir Vysotskii, Anna Kornilova, Peter Hagelstein, Akito Takahashi et tant d’autres pionniers du piège à réputation qui s’est refermé sur la science elle-même. En somme, il est temps d’offrir un futur planétaire à l’humanité.

« Offrir un futur planétaire à l’humanité » ne devrait pas apparaître comme une posture romantique illusoire ou désabusée. Cette phrase ne devrait même pas apparaître dans un article parlant de l’impact économique et social potentiel d’un ensemble d’expérimentations ayant démontré leur intérêt pour résoudre quantité de défis environnementaux, géopolitiques, technologiques. Elle ne devrait pas apparaître, car elle devrait aller de soi, et depuis longtemps. Mais elle est écrite ici parce qu’elle a désormais un sens, le sens d’une humanité en difficulté, un sens qui appelle au sursaut planétaire.

Ce sursaut est possible, il passe par un tissage de l’universalisme, millénaire innovation, et du séparatisme, cette valeur sûre. Le séparatisme peut être assimilé à la capacité de distinguer les avantages et intérêts respectifs de toute composante d’un ensemble : individu, théorie, nation, région du monde, industrie, entreprise, catégorie sociale, etc. En ce sens, il est donc pleinement compatible avec l’universalisme qui, lui, ne doit pas être compris comme une bouillie effaçant toute identité individuelle.

Cette conjugaison est possible à la condition que le séparatisme s’extraie de la guerre à laquelle, indompté, il conduit toujours, et à la condition que l’universalisme comprenne que l’univers n’est fait que de particules dont le rayonnement est ce qui les unit.

Innovation, brevets, propriété intellectuelle, rémunération des investissements, stratégies industrielles, nationales ou régionales relatives aux RNBE devront être reconnues et respectées dans le partage et l’harmonisation planétaire de la valeur sociale ajoutée, dont une des composantes est la rémunération économique, une autre la distribution harmonieuse des technologies disponibles.

Là se situe l’apport nécessaire du séparatisme, fonction experte de la société humaine. Mais cette même société humaine doit pouvoir envisager sa fédération à l’échelle humaine, c’est-à-dire planétaire. Là serait sa beauté, une beauté éclairée, nourrie et chauffée par les RNBE.

Fusion froide est une sorte d’oxymore, c’est aussi un beau projet de société.

Jean-Christophe Fadot.

*


[1] : Fleischmann, M., Pons, S. and Hawkins, M., Electrochemically induced fusion of deuterium. J. Electroanal. Chem., 1989, 261, 301–309.

[2] : Cf Mizuno, T., Nuclear transmutation: the reality of cold fusion. Infinite Energy Press, Concord, N.H., USA, 1998.

[3] : A noter l’analyse documentée de Eugene F. Mallove sur la réception initiale de l’hypothèse Pons-Fleischmann. MIT and cold fusion: a special report. Infinite energy, 24, 1999.

[4] Huizenga, J. R., Cold fusion: The scientific fiasco of the century, first ed. University of Robchester Press, Rochester, NY, 1992.

[5] : cf “Star Collaboration, Tomography of ultrarelativistic nuclei with polarized photon-gluon collisions, Science Advances, 4 Jan. 2023, Vol 9, Issue 1.

[6] : Sur la nature concrete de la fonction d’onde de l’électron, cette approche : A. Danghyan, “The Wave Function of the Electron”, in Quantum Field Theory [Working Title]. London, United Kingdom: IntechOpen, 2022 [Online]. Available: https://www.intechopen.com/online-first/84908 doi: 10.5772/intechopen.108756

[7] ; Difficile de ne pas évoquer ici la valeur du pied egyptien, 29,92 cm, assez proche de la distance parcourue par la lumière en un milliardième de seconde, 29,98 cm.

[8] : The influence of the physics and philosophy of Einstein‘s relativity on my attitudes in science: an autobiography. Mendel Sachs, op. cit., pp. 201 – 233.

[9] : Non d’ailleurs qu’il ne puisse conclure de ses calculs qu’il n’en a pas, mais concéder que les saveurs du neutrino oscillent serait admettre que celui-ci, de loin l’objet physique le plus répandu dans l’univers, se déplaçant à la vitesse de la lumière, manifesterait au surplus de cette énergie de vélocité une énergie de mobilité supplémentaire, réputée être impossible dans le modèle standard, déstabilisant ainsi l’un de ses socles.

[10] : Edmund Storm, The Science Of Low Energy Nuclear Reaction: A Comprehensive Compilation Of Evidence And Explanations About Cold Fusion. Ed. World Scientific. 2007

[11] : Pamela Ann Boss, Lawrence Forsley, Energetic Particle emission in Pd/D co-deposition: An undergraduate research project to replicate a new scientific phenomenon, Journal of Laboratory Chemical Education, June 2018.

[12] : Dès 2007, Edmund Storms en donne plus des centaines d’exemples documentés dans son remarquable « Cold fusion now », op. cité.

[13] : Schwinger, Julian: Cold fusion: a brief history of mine. Fourth International Conference on Cold Fusion, ICCF4, Maui, Hawaii, December 1994, https://www.infinite-energy.com/iemagazine/issue1/colfusthe.html

[14] : Price, Huw (forthcoming). Risk and Scientific Reputation: Lessons from Cold Fusion. In Managing Extreme Technological Risk. Singapore: World Scientific.

[15] : Edmund Storms, Introduction to the main experimental findings in the field of low energy nuclear reactions. Current Science, Vol. 108, No. 4, 25 Feb. 2015.

[16] : Akito Takahashi, Akira Kitamura, Yasuhiro Iwamura, Jirohta Kasagi, et al, Leading the Japanese Gvt NEDO project on anomalous heat effect of nano-metal and hydrogen gas interaction. Publié sur Research Gate.

[17] : Sergio Martellucci, Angela Rosati, Francesco Scaramuzzi, Vittorio Violante. Cold Fusion – The History of Research in Italy. Focus Technologies. ENEA, 2009.

[18] : Michael K. L. Man, et al, Experimental measurement of the intrinsic excitonic wave function, Sciences Advances, 21 Apr 2021, Vol 7, Issue 17.

[19] : Frank Wilzeck, The lightness of being. Mass, Ether, and the Unification of Forces. Basic Books, 2008.

[20] : Sophie Gosselin, La Condition terrestre. Habiter la Terre en communs, Seuil, 2022.

[21] : Frank Wilzek, The Lightness of Being, op. cit., p. 182.

[22] : Cf le blog vidéo de Sabine Hossenfelder du 8 octobre 2022 : « Cold fusion is back ; there’s just one problem ». https://backreaction.blogspot.com

[23] : Voir par exemple les 1433 références bibibliographiques rassemblées par Edmund Storm dans The Science Of Low Energy Nuclear Reaction: A Comprehensive Compilation Of Evidence And Explanations About Cold Fusion. Ed. World Scientific. 2007

[24] : L.A. Bernstein, Destruction of radioactivity by stimulation of nuclear transmutation reactions. Journal of Condensed Matter Nuclear Science, 11, 2013.

[25] : On the behavior of Pd deposited in the presence of evolving deuterium. S. Szpak and P.A. Mosier-Boss, J.J. Smith, Journal of Electroanalytical Chemistry, 302-1991, p. 255 et suivantes.

[26] : Edmund Storms, The Science of low energy nuclear reaction. A comprehensive compilation of evidence and explanations about cold fusion, World Scientific Publishing Co., 2007.

[27] : Quelques références sont indiquées dans la bibliographie de : « Terahertz difference frequency response of pdd in two-laser experiments », Peter L. Hagelstein, D. Letts, D. Cravens, Journal of Condensed Matter Nuclear Science, 3, 2010, 59-76.

[28] : Cf par exemple, Tatsumi Hioki, et al., “Inductively Coupled Plasma Mass Spectrometry Study on the Increase in the Amount of Pr Atoms for Cs-Ion-Implanted Pd/CaO Multilayer Complex with Deuterium Permeation.” Japanese Journal of Applied Physics 41, 4642-48, 2002.

[29] : Par exemple : Peter L. Hagelstein, Quantum composites: a review and new results for models for Condensed Matter Nuclear Science. J. Condensed Matter Nucl. Sci. 20, 2016, pp. 139-225. Hagelstein, P. L., D. Letts, and D. Cravens. “Terahertz difference frequency response of pdd in two-laser experiments.” J. Condensed Matter Nucl. Sci. 3 (2010) 59-76.

[30] : Par exemple, K.P. Budko, A.I. Korshunov, Calorimetric investigation of anomalous Heat production in Ni-H systems. J. Condensed Matter Nucl. Scie, 23, 2017, 85-90.

[31] : Y compris au sein d’alliages, cf “Trends in transmutation products and hydride formation in Brass, Bronze, Solder and Silver Brazing alloy cathodes during light water electrolysis” – Monu Kumawat, Indian Institute of Technology Kanpur, India, International Conference on Cold Fusion, Juillet 2022, Mountain View, California, USA.

[32] : Cf https://www.cea.fr/multimedia/Documents/publications/rapports/rapport-gestion-durable-matieres-nucleaires/Tome%202.pdf, page 10 notamment, consulté Novembre 2022.

[33] : Biberian, Jean-Paul. (2012). Biological transmutations: historical perspective. J. Condens. Matter Nucl. Sci.. 7. 11-25.

[34] : Cf les travaux de la société franco-japonaise Phoenix R&D, dont les résultats en matière de remédiation biologique de sols contaminés avec des métaux lourds, « ne peuvent être expliqués autrement qu’en faisant appel à l’hypothèse des réactions nucléaires à basse énergie. » Conversation avec Erik Sarkissian, 2021.

[35] : Jean-Paul Bibérian, Biological transmutation, CURRENT SCIENCE, VOL. 108, NO. 4, 25 FEBRUARY 2015

[36] : Price, Huw. Risk and Scientific Reputation: Lessons from Cold Fusion. Forthcoming in Rhodes, C., ed., Managing Extreme Technological Risk (World Scientific).

[37] : Jean-Paul Bibérian, La fusion dans tous ses états : fusion froide, ITER, alchimie, transmutation biologiques…, G. Trédaniel, 2012 .

[38] Hideo Kozima, The Nuclear Transmutations (NTs) in Carbon-Hydrogen Systems (Hydrogen Graphite, XLPE and Microbial Cultures), Cold fusion Research Laboratory News, n° 94, http://www.kozima-cfrl.com/Papers/paperf/paperf08.pdf.

[39] : Microbial transmutation of Cs-137 and LENR in growing biological systems V. I. Vysotskii1,* and A. A. Kornilova, CURRENT SCIENCE, VOL. 108, 2015, ou “Nuclear Transmutation of Stable and Radioactive Isotopes in Biological Systems”, Vladimir I. Vysotskii, Alla A. Kornilova, Motilal UK Books of India, 2010.

[40] Cf : Cf notre étude dans le domaine économique : https://www.academia.edu/11916746/Nature_Esotericism_and_Economics_Re_enchanting_the_World_Financing_It_Building_the_United_States_of_the_World_A_practical_approach_using_Omraam_Mikhae_l_Ai_vanhov_s_esoteric_teachings

[41] : Notamment : Association for the Study of Esotericism, USA ; European Association for the Study of Western Esotericism, Association francophone pour l’étude universitaire de l’ésotérisme, FRESO.

[42] : Hanegraaff, W. (2012). Esotericism and the Academy: Rejected Knowledge in Western Culture. Cambridge: Cambridge University Press. doi: 10.1017/CBO9781139048064

[43] Bernard Joly, Histoire de l’Alchimie, Ed. Vuibert / ADAPT, 2013.

[44] : « Métallurgie et alchimie en Chine ancienne », Eurasie, n° 12 (2003), La Forge et le forgeron, II. Le merveilleux métallurgique, Société des Etudes Euro-Asiatiques, Paris : L’Harmattan, 2003, pp. 155-189.

[45] : Kimura, K., Lewis, R. S. & Anders, E. Distribution of gold and rhenium between nickel-iron and silicate melts—implications for abundance of siderophile elements on Earth and Moon. Geochim. Cosmochim. Acta 38, 683–701 (1974).

[46] : Mikio Fukuhara, Alexander Yoshino, Nobuhisa Fujima, Earth factories: Creation of the elements from nuclear transmutation in Earth’s lower mantle”, AIP Advances 11, 105113 (2021) ; https://doi.org/10.1063/5.0061584 , notamment : Fukuhara proposed a model for the formation of nitrogen, oxygen, and water using circumstantial evidence based on the history of the Earth’s atmosphere. This hypothesis suggests that heavier elements result from an endothermic nuclear transformation of carbon and oxygen nuclei confined in the aragonite CaCO3 lattice of the Earth’s mantle or crust, which is enhanced by the attraction caused by high temperatures ≥2510 K and pressures ≥58 GPa in the Earth’s interior,6

212C+216O+4e+4𝑣̄ 𝑒214N2+O216+H21O16+2n10.58MeV.212C+216O+4e*+4v̄e→214N2↑+O216↑+H21O16↑+2n−10.58MeV.

The above-described reaction is favored by the physical catalysis exerted by excited electrons (e*) that were generated through stick-sliding during the evolution of supercontinents and mantle conversion triggered by collisions of major asteroids and anti-electron neutrinos 𝑣̄ 𝑒v̄e coming from the universe, especially from the young sun from the Archean era to the present time,7 or by the radioactive decay of elements such as U and Th and nuclear fusion in the Earth’s core that is described later.

[47] : Alfrédo Périfano, “L’Alchimie à la Cour de Côme 1er de Médicis : savoirs, culture et politique ». Ed. Garnier, 1997-2022, Collection Etudes et essais sur la Renaissance, n° 16.

[48] : John Maynard Keynes, ‘Newton, the Man,’ in Essays in Biography (Cambridge: Cambridge University Press for the Royal Economic Society, 2013), 363, originally in Newton Tercentenary Celebrations, 15-19 July 1946 (Cambridge: Cambridge University Press, 1947), 27-34; William R. Newman, Newton the Alchemist (Princeton, NJ: Princeton University Press, 2018), 3-7

[49] : Sclove, Richard E. “From Alchemy to Atomic War: Frederick Soddy’s ‘Technology Assessment’ of Atomic Energy, 1900-1915.” Science, Technology, & Human Values, vol. 14, no. 2, 1989, pp. 163–94. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/690079. Accessed 8 Nov. 2022.

[50] Morrisson, Mark S., Chemistry in the Borderland: Ramsay, Soddy, and the Transmutation Gold Rush, Modern Alchemy: Occultism and the Emergence of Atomic Theory, New York, 2007; online edn, Oxford Academic , 1 May 2007, https://doi.org/10.1093/acprof:oso/9780195306965.003.0004, accessed 16 Nov. 2022.

[51] : Cf à cet égard les travaux de la Society for the History of Alchemy and Chemistry. https://ambix.org

[52] : V.I. Vysotskii, M.V. Vysotskyy, Sergio Bartalucci, LENR Solution of the Cosmological Lithium Problem, J. Condensed Matter Nucl. Sci. 36 (2022) 115–129.

[53] : Grazia Melchionni. Le Comité d’Action pour les États-Unis d’Europe : un réseau au service de l’Union européenne In : Jean Monnet : L’Europe et les chemins de la paix [en ligne]. Paris : Éditions de la Sorbonne, 1999.

[54] : Condorcet, Jean-Antoine-Nicolas de Caritat. Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain ; fragment sur l’Atlantide. Editions Garnier-Flammarion, 1988 [1804].

[55] Cf. Steve Jobs, Walter Isaacson, Simon & Schuster ed., 2011.

[56] : Cf : Françoise Bonardel, Philosophie de l’alchimie : Grand œuvre et modernité. Presses Universitaires de France, 1993.