La belle année 2023

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C’était il y a très longtemps. On respirait beaucoup mieux qu’aujourd’hui, et la raison principale il me semble tient à ce que les déplacements, quoique sans usage de carburant pétrochimique, étaient essentiellement aériens, ou sur des sortes de trottinettes pour les plus courts d’entre eux.

Lesquelles, cela dit, n’étaient pas ces engins étroits à deux roues ainsi qu’on les voit aujourd’hui, mais plutôt de petits disques d’environ un mètre vingt de diamètre sur 10 centimètres d’une épaisseur qui contenait l’ingénierie utile.

Le verre, sa fabrication, était une des principales industries d’alors, avec la fabrication des métaux, dont l’art était essentiel à la qualité et à la sécurité des véhicules que nous utilisions.

Le verre de nos vaisseaux, pour parler de lui, était moulé rotondiquement, d’une seule pièce, pouvant atteindre selon les forges des dimensions considérables, en sorte qu’il permettait d’établir des coupoles panoramiques permettant d’observer et d’admirer dans le ciel rougeoyant l’âpre beauté des soleils se levant sur l’océan ou les chaines de montagne couronnées d’une neige que le vent, tourbillonnant, emmenait dans les espaces animés d’étoiles et de cosmos.

Le ciel est blanc près des montagnes, bleu d’énergies hautes lorsqu’on lève les yeux.

Cette aisance que la technologie permettait emportait l’obligation de faire de l’exercice ; d’innombrables sports et activités ludiques s’y employaient, parmi lesquelles, alors, mes préférées étaient le kayak et la natation.

D’ailleurs, bien plus tard, indigène en Amérique du Nord, oublieux de ces vies pourtant nombreuses, j’en avais quand même conservé l’habileté de pouvoir conduire dans les rapides poissonneux mais rocheux ces esquifs que mon père fabriquait et pour lesquels son savoir-faire était renommé à des centaines de kilomètres à l’entour des collines bleues des Appalaches.

Revenons, bien avant ces vies américaines, à ce matin de mai. J’étais jeune et conduisait ces véhicules entre une banlieue de la capitale et le chef-lieu d’une contrée montagneuse, froide mais ensoleillée, d’où l’on extrayait des minerais métalliques. J’étais chauffeur de bus.

Mais si cette vie vous parait idyllique, n’en croyez rien cependant, car ce que cette nation savait assembler dans le plan pratique, elle l’ignorait dans le plan éthique. Sa science, sa technologie plus encore, étaient immensément développées, mais son intelligence des lois morales était comme tue, assoupie, enfouie et cela l’amena bien des décennies après la vie décrite ici à assombrir les cieux d’une déflagration qui emporta dans son ressac temples, usines, peuples, asservissements monts et socle géologique.

Mais bon, aujourd’hui, c’est le premier jour de l’année 2023, et comme des personnes parties de l’autre côté, de l’année qui fut et de cette civilisation aujourd’hui oubliée, oublions le pas beau, gardons le mieux, le bon côté, l’essence du savoir qu’elles ont su produire ; le reste, laissons-le enfoui. Et qu’importent en effet les guerres, les invasions, les destructions, passé le bruit de leur instant dans nos vies ?

Avec le temps, les murs se rebâtissent, les corps même renaissent, les âmes s’y lovent, animant de sourire et de splendeur la génération nouvelle. Que 2023 soit ce sourire ! Ce sourire restera, le reste, qu’est-ce ? Ce sourire est ce qu’il nous faut dessiner !

Pourquoi parler alors aujourd’hui de ce temple aux immenses colonnes au centre desquelles, immobile et cristallin, chatoyant dans l’éclat moiré de facettes taillées d’un quartz naturel retravaillé dans des forges chimiques et électriques, se tenait ce générateur dont à peu près tout au fond dépendait ?

C’est qu’un aspect étonnant de cet étrange aimant transparent et cristallin, d’ailleurs découvert par hasard, tenait à ce que, non content de diffuser protons et neutrinos polarisés de haute énergie mouvant trottinettes et bus, il mouvait aussi nuages et cohortes humides que le soleil élevait au-dessus des océans ce pays désormais enfoui.

Et si on observe aujourd’hui encore les pluies parcourant notre planète on verra que celles-ci n’atteignent qu’avec difficultés prairies, nations et montagnes où elles épuisent leur cargaison avec parcimonie ou dégâts imprévisibles.

Rien de tel alors, car ces immenses chargements de molécules d’eau pouvaient être déplacés par l’emploi des vagues magnétiques polarisées que ce cristal pouvait produire. En effet, aussi vastes soient les amas nuageux, ceux-ci sont composés de similaires molécules qu’un emploi cohérent d’attractions polarisées permettaient de mouvoir en relation avec les courants aériens. D’ailleurs, il existait des capitaines de convois d’eau, cette profession était particulièrement technique et demandait une longue préparation scientifique, ainsi qu’un apprentissage de plusieurs années dans la pratique de cette ingénierie.

C’est ainsi que ces peuples géraient la question de l’approvisionnement en eau, amenant sur les montagnes et pour ainsi dire à volonté les formations nuageuses transportant une ressource que d’immenses, prodigieux et esthétiques travaux avaient amenée aux canaux irriguant les plaines et côteaux terrassés, et dans les villes, à de calmes miroirs auprès desquels on promenait, dessinait, dansait souvent au son de symphonies qui, à ce qu’il m’en souvient, étaient plus courtes qu’aujourd’hui. 20 minutes suffisaient en effet généralement alors au contentement de l’âme ; plus aurait été considéré de mauvais goût et les meilleurs compositeurs à ce qu’il m’en souveint étaient renommés à ce qu’il pouvaient composer d’inoubliables mélodies de quelques dizaines de secondes.

Au passage, je ne m’étendrai pas ici sur les modalités par lesquelles on enregistrait les sons ; celles-ci sont en réalité passionnantes au sens où cette technologie permettait non seulement de les stocker avec une grande qualité, mais aussi d’en focaliser la restitution sur d’étroits couloirs sonores, par exemple vers le visage d’une seule personne dans une foule, ce qui était super pratique pour les salles de spectacles ou pour la tenue d’assemblées réunissant les représentants de nations dont les langues différaient considérablement, ainsi qu’il en est aujourd’hui. Ce sera, peut-être, pour une autre fois.

Cette fois-ci, il s’agit de souhaiter à la terre une belle année !

Et pourquoi pas, en effet ? Pourquoi ne lui parlerait-on pas ? Parce qu’elle n’est pas un être vivant ni conscient ?

Mais qu’en sait-on ? La science apprend aujourd’hui que les arbres, les plantes mêmes, communiquent, parlent, sentent, réfléchissent, mémorisent, se défendent ; le moindre électron sait contourner si besoin un obstacle en dissolvant un instant sa cohésion corpusculaire dans un nuage d’onde dont il retire sa forme, sa cohésion, autrement dit son existence localisée, et nous pensons que la somme de toute cette intelligence ne saurait produire celle d’une conscience d’ensemble ?

Hmm, nous pourrions mieux penser probablement, car nous faisons partie de cette conscience planétaire, en fait. La terre qui pense, c’est aussi nous. Pas que nous, bon, mais nous aussi un peu, quand même.

Et puis, par résonance, la pensée de la terre, de la planète terre, peut nous dire celle d’immenses contrées et populations l’habitant dont seules quelques traditions ont conservé une mémoire, partielle et fugace, sous les noms de gnomes, ondines et sylphes, habitants des couches transparentes, à nos yeux en tout cas, du monde physique.

Mais ceci est aussi une autre histoire. La mienne est de souhaiter à la terre, et donc aussi à nous, une belle année 2023 !

Rendons-là heureuse, fière, cette année et cette terre, c’est-à-dire unie, créative et respectueuse de la vie !

Cette terre est la nôtre, elle a toute une histoire, et dans celle-ci bien des solutions pour les défis actuels.

Jean-Christophe, 1er janvier 2023